La communauté étudiante apprécie l’enseignement personnalisé que permet la petite taille des établissements postsecondaires francophones hors Québec. Elle y déplore cependant l’absence de certains programmes, notamment dans les domaines des sciences, du génie et de la technologie. Plusieurs souhaiteraient voir une meilleure promotion de ces établissements dans les écoles secondaires francophones, d’immersion et de français langue seconde.
C’est ce qu’ont mis en lumière les six panélistes du premier atelier des États généraux sur le postsecondaire en contexte francophone minoritaire, ayant pour thème «Des établissements à l’écoute de la population étudiante».
L’évènement a été l’occasion pour six membres de la communauté étudiante de s’exprimer sur leurs motivations à étudier en français, sur leurs besoins par rapport aux établissements postsecondaires, sur les avantages d’étudier en français en contexte minoritaire et sur leurs priorités pour l’avenir.
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Sentiment d’appartenance et opportunités
L’importance du sentiment d’appartenance à la communauté a été nommée à plusieurs reprises par les panélistes.
«À l’une de mes premières journées au Campus Saint-Jean (CSJ), le doyen a dit quelque chose comme : “Peu importe votre accent, vous parlez le français et c’est ce qui est important.” […] Il faut avoir cette reconnaissance, non seulement au sein de l’établissement postsecondaire, mais aussi au sein de la communauté plus grande de la francophonie canadienne — pour moi la francophonie albertaine», a souligné l’étudiante Chiara Concini, elle-même issue de l’immersion.
Elle note que l’insécurité linguistique ainsi que la peur de ne pas être acceptée, comprise ou de ne pas comprendre figurent parmi les principaux obstacles qui en découragent plusieurs de poursuivre leurs études en français.
C’est pourquoi, à ses yeux, la priorité des établissements devrait être de recruter davantage dans les écoles secondaires d’immersion ou de français langue seconde : «Amener des témoins étudiants qui pourront parler de leur expérience en immersion ou français langue seconde et dire que c’est possible d’étudier au postsecondaire en français!»
De son côté, l’étudiante internationale Rim Khoja explique avoir choisi La Cité universitaire francophone (La Cité) de l’Université de Regina pour «la distinction; je crois que, dans un contexte minoritaire francophone, je peux me distinguer d’une manière beaucoup plus visible, je peux avoir un parcours compétitif — beaucoup plus qu’au Québec, où les opportunités sont moins fréquentes vu la grande population francophone».
Elle déplore toutefois que plusieurs services d’accueil et d’administration ne soient disponibles qu’en anglais puisque c’est l’Université de Regina qui s’en charge : «Moi, je suis bilingue, j’ai pu m’adapter parce que je parle anglais […] Mais ce décalage entre nos études et les services administratifs est vraiment flagrant et l’étudiant complètement francophone a beaucoup de mal à s’intégrer parce qu’il se trouve déchiré.»
Dans le cadre de sa thèse, pour laquelle elle réalise des entrevues, elle déplore aussi de devoir remettre tous ses formulaires administratifs à l’Université en anglais, bien que sa recherche et sa thèse soient effectuées en français.
Prendre en compte la diversité
Zacharie Collins, étudiant à la maitrise en sciences sociales à l’Université de Moncton, a mentionné que les établissements postsecondaires de la francophonie canadienne rassemblent des clientèles diverses ayant chacune leurs propres besoins.
«Les établissements postsecondaires accueillent de plus en plus d’étudiants internationaux et, de ce que j’ai entendu de ceux-ci, il y a encore plusieurs plaintes au sujet d’un manque d’intégration, donc il y a beaucoup de travail à faire là», a-t-il souligné.
Une réalité qu’il observe également auprès de la communauté LGBTQ+, qui aimerait par exemple obtenir davantage d’appui en matière de langue inclusive et des espaces réservés où se sentir en sécurité.
«Je trouve que les établissements postsecondaires francophones ont encore du retard dans ce domaine par rapport aux établissements anglophones. Certains profs sont incroyablement ignorants quant aux affaires LGBTQ+», a mis en lumière Zacharie Collins.
Il déplore aussi que l’utilisation d’un français neutre ne soit toujours pas reconnue dans les travaux universitaires.
Le fait d’avoir de plus petites classes a toutefois également été identifié comme un avantage par plusieurs panélistes : «Un des points forts de mes études jusqu’à date, c’est le fait que j’ai été capable d’avoir vraiment un lien personnel avec tous mes profs […] On doit vendre ça plus je pense, moi je ne me suis jamais sentie comme un numéro — j’ai toujours été une personne», a félicité Marie-Pierre Héroux, qui étudiait jusqu’à récemment à l’Université Laurentienne avant de devoir poursuivre ses études à l’Université d’Ottawa.
Même son de cloche chez Nina Ndombe, qui fait remarquer qu’au Collège La Cité à Ottawa, «quand tu es dans les couloirs, les profs te disent bonjour par ton nom. Les employés te connaissent».
Marie-Pierre Héroux propose trois suggestions pour améliorer l’éducation postsecondaire en contexte francophone minoritaire, à commencer par la création de programmes en français dans les domaines des sciences, du génie et de la technologie.
Celle qui a eu accès à des bourses d’études note aussi que celles-ci «ne couvrent pas tout» et que les étudiants francophones doivent souvent déménager loin de chez leurs parents, ce qui peut rendre l’éducation supérieure inaccessible.
Enfin, l’ancienne présidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) souhaiterait voir davantage d’espaces désignés pour les francophones dans les universités bilingues comme celle qu’elle fréquente : «Des espaces où tout se passe en français, où les étudiants francophones peuvent se rejoindre, discuter, faire des devoirs ou avoir des activités», suggère-t-elle.
Des retombées concrètes pour les communautés
Finalement, l’importance de créer des liens entre les établissements et la communauté francophone locale a été mise de l’avant à de nombreuses reprises. Pour les panélistes, cela contribue non seulement à renforcer le sentiment d’appartenance à la francophonie canadienne des étudiantes et étudiants, mais permet aussi de les retenir une fois leurs études terminées.
«La Cité [à Regina] ne nous présente pas seulement un enseignement ou des cours dans notre spécialité francophone, mais aussi nous aide à découvrir la vie communautaire fransaskoise par des ateliers, en invitant des organismes fransaskois, en créant des contacts entre les étudiants et le personnel communautaire […] Ça nous aide beaucoup à nous intégrer communautairement», se réjouit Rim Khoja.
Pour Marianne Trudel, étudiante au secondaire, il serait toutefois nécessaire que les conseillers en orientation présentent davantage les options d’études postsecondaires en français et les avantages du bilinguisme sur le marché du travail : «Ils mettent beaucoup l’emphase sur les bourses [réservées aux francophones], mais où est-ce qu’on va les utiliser?»
«Un de nos besoins en tant qu’élèves au secondaire, c’est aussi de sentir que l’éducation dans la langue minoritaire qu’est le français est valide et aussi bien vue que les études en anglais», ajoute-t-elle.
Marianne Trudel suggèrerait de mettre de l’avant des témoignages de gens ayant étudié au postsecondaire en français en situation minoritaire et qui en ont tiré de nombreuses opportunités ou qui occupent aujourd’hui «un poste important».
Le prochain atelier des États généraux aura lieu le mercredi 3 novembre et portera sur «L’enseignement, la formation et la recherche en contexte francophone minoritaire».
Francopresse est le partenaire médiatique officiel des États généraux sur le postsecondaire en milieu francophone minoritaire.