Dans cette pièce, on rencontre Marjolaine, qui a le don de voir l’avenir. Sa mère l’a cependant réprimée dans sa jeunesse. Elle était inquiète que l’on associe sa fille à ces vieilles croyances mal vues. Marjolaine devra retourner à Haïti soigner une maladie auprès de sa grand-mère qui, elle aussi, semble avoir des pouvoirs…
«La pièce parle de comment, quand on ne suit pas notre vraie voie et qu’on l’étouffe, qu’est-ce qui peut nous arriver dans la vie. Une dépression? Une perte de qui on est? C’est aussi une histoire d’amour entre trois générations de femmes», raconte l’autrice.
La pièce inspirée des traditions haïtiennes est un duo. Le rôle de la grand-mère est cependant muet. Elle s’exprime par les mouvements et la danse.
«J’y explore des thèmes que j’aime. J’utilise aussi des mécaniques du conte haïtien», précise Mme Laguerre. Quelques parties ont tout de même été inspirées par ses propres expériences. Par exemple, les arts n’étaient pas vu comme une carrière viable dans sa famille.
Donner une chance
Lorsque nous avons rejoint Djennie Laguerre, elle était à Moncton, où elle présentait un de ses spectacles pour enfants dans les écoles de l’Acadie.
Elle a passé presque toute sa vie au Canada. Elle a étudié le théâtre à Ottawa et New York. L’artiste est revenue en Ontario après le 11 septembre 2001 dans l’espoir de trouver des rôles en français et en anglais. Pendant ses années de développement de sa carrière d’actrice et d’autrice, elle a commencé des recherches dans la tradition du conte.
L’art est la guérison à travers l’art. Je fais beaucoup de réflexions et les présente de manière universelle. On peut voir les trois différentes cultures qui m’habitent : noire, antillaise et francophone; ontarienne, mais aussi québécoise parce que j’ai vécu à Montréal jusqu’à l’âge de 10 ans.

Djennie Laguerre dans Manman la mer.
Elle est déjà venue à Sudbury, mais elle y est davantage associée aux contes avec le Centre franco-ontarien de folklore. De faire partie de ce groupe d’artistes lui a permis de créer des contacts et des amitiés que d’autres n’ont pas.
Si elle raconte qu’elle a presque arrêté d’écrire en français, c’est parce que pendant des années, les milieux anglophones lui ont ouvert davantage leurs portes. «Ça a pris un théâtre noir anglophone de bonne réputation à Montréal [Black Theatre Workshop]» pour lui redonner confiance. Ils lui ont permis de présenter son premier spectacle, Rendez-vous, dans les deux langues. «Tout d’un coup, les francophones m’ont redécouvert.»
«C’était ironique qu’eux autres me faisaient de la place pour ma diversité, pas seulement de ma peau et de ma race ou de ma culture, mais aussi du fait que j’étais francophone», raconte-t-elle.
Grâce à Joël Beddows du Théâtre français de Toronto, qui l’a recommandé au Théâtre Catapulte, elle a trouvé un maison de production qui l’accueillait comme une artiste, sans mettre l’accent sur la diversité qu’elle apportait. «À partir de là, tout le monde a commencé à embarquer.»
Grâce au travail des organismes d’accueil des nouveaux arrivants dans le Grand Sudbury, les organismes artistiques sont davantage conscients du besoin de présenter des œuvres qui les représentent. Djennie Laguerre est témoin de ce changement qui survient — trop — tranquillement et à des vitesses variables à travers la province.
«Maintenant, il y a une ouverture. J’en profite vraiment, je le célèbre et je suis fière de nous. Il y a tout de même encore un long chemin à faire, comme dans beaucoup d’autres choses.»
Puisqu’elle a grandi au Canada, Djennie Laguerre ne se «considère pas comme une immigrante, alors toujours faire face au fait qu’on me considère comme une immigrante, j’ai toujours trouvé ça drôle et bizarre. Si vous lisez mes pièces, vous pouvez voir l’influence franco-ontarienne.»
Le Théâtre du Nouvel-Ontario présente Manman la mer dans la grande salle de la Place des Arts du 12 au 14 mai. Les billets sont disponibles à la billetterie du TNO (letno.ca) selon le tarif variable habituel.

Djennie Laguerre dans Manman la mer.