Dès le début du spectacle, nous sommes immergés dans une atmosphère aussi vibrante que confortable. De la musique commence à jouer et on anticipe que les lumières de la salle s’éteignent, mais la foule reste toujours éclairée. L’interprète et autrice, Djennie Laguerre, sort des coulisses en dansant, tout en entrant en contact avec les spectateurs. On pourrait imaginer qu’une personne en train de danser seule pourrait nous faire ressentir de l’embarras de «seconde main», pourtant, Laguerre performe avec tellement de confiance et de charisme qu’elle capte toute notre attention.
Cette énergie qu’elle dégage lui permet d’allier sa performance avec l’éclairage, la musique et les effets sonores pour transformer ce conte en véritable spectacle. En vraie conteuse, même presque humoriste, la comédienne joue tous les personnages de l’histoire : Marjolaine pendant son enfance, sa mère, sa grand-mère, même un homme Québécois un peu… disons, chauvin. Laguerre interprète tous ces personnages toujours avec un charisme magistral, autant dans les contrastes physiques que dans leurs voix et elle fait la transition entre ces divers tempéraments de manière fluide.
Par contre, vers la fin du spectacle, lorsque le dialogue se passe surtout entre Marjolaine et sa grand-mère, on dirait que la voix rocailleuse de cette dernière commence à se glisser dans l’interprétation à Marjolaine. La fluidité de l’interprétation commence à nuire et on commence à perdre le contraste des personnages. L’histoire devient donc un peu plus floue et plus difficile à suivre. On souhaiterait que les beaux personnages aient pu persister du début jusqu’à la fin.
Au-delà de la performance, l’éclairage et les effets sonores travaillaient en parfaite synergie avec le décor. Celui-ci consistait en une toile qui allait du plafond jusqu’au sol pour créer un mur blanc, elle continuait même par terre pour créer un espace de jeu pour la comédienne. Ce mur blanc était utilisé de manière bien efficace, autant pour refléter les couleurs magnifiques de l’éclairage que pour montrer certaines projections, qui elles, se mariaient très bien à l’histoire de Marjolaine au lieu de nous en distraire.
On retrouvait aussi cinq «pierres», assez solides pour que Laguerre s’assoie dessus, mais quand même assez légères pour être déplacé. Néanmoins, leurs déplacements n’étaient pas nécessaires. La conteuse prenait de longs moments entre ses chapitres, seulement pour changer les roches de place, sans même les utiliser d’intéressantes manières pendant le prochain extrait. Il se peut qu’elle modifiait la disposition des pierres pour changer l’environnement de la scène; pour marquer un déplacement dans l’histoire, mais l’éclairage accomplissait déjà cette tâche.
Les transitions n’étaient que des moments de décrochage pour le public et n’a pas bien servi au dynamisme que la pièce atteint pendant l’action. Quand même, les pierres étaient toujours essentielles pour l’atmosphère paisible et naturelle et ajoutaient de la dimension à la scène. Il ne faudrait pas les enlever, tout simplement les laisser à leurs positions initiales.
Tout de même, Manman la mère est un spectacle merveilleusement coloré, dans ses personnages, dans sa musique et surtout avec son éclairage. La fluidité de l’interprétation nous guide aisément dans le parcours de vie de Marjolaine, même si on se perd parfois dans le courant. La pièce est un magnifique exemple de comment on peut amplifier un conte pour libérer tout son potentiel.