À l’extérieur du Québec, les services d’établissement en français sont majoritairement financés par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) à partir d’un système d’appels de proposition. La présente période de financement prend fin en mars 2025 et la prochaine s’amorce le 1er avril pour une durée de trois ans.
À l’heure actuelle, plus de 250 points de service financés par IRCC offrent des services en français à l’extérieur du Québec.
Malgré cela, des immigrants et immigrantes francophones sont parfois contraints de recourir à des services en anglais seulement, comme rapporté par Francopresse plus tôt cette année.
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Un casse-tête incomplet
Selon le coordonnateur du Réseau de soutien à l’immigration francophone du Nord de l’Ontario, Thomas Mercier, «même si on commence à voir l’arrivée d’un flux de migration plus organisé qui commence à se structurer, […] encore beaucoup de gens arrivent sans rien connaitre, complètement perdus».
Un «gros facteur», explique-t-il, c’est le manque de services en français. «On est en train de se battre pour avoir des services d’établissement dans l’ensemble des régions.»
Il précise que la dernière période de financement d’IRCC a certes permis d’établir les premiers services d’établissement en français dans le Nord de l’Ontario – notamment à Sudbury, Timmins, Hearst, Kapuskasing et Thunder Bay –, mais il en manque encore à North Bay, Temiskaming Shores et Sault-Ste-Marie, par exemple.
Et l’Ontario français a aussi essuyé des refus pour la dernière période de financement, comme dans le district d’Algoma et aussi à Sudbury, où l’organisme Contact interculturel francophone de Sudbury avait demandé un appui pour faciliter la réinstallation de personnes réfugiées.
«Il [manque] encore des morceaux du casse-tête, mais on a des morceaux qui se mettent en place graduellement au fil du temps, surtout à comparer à 2018 où il n’y avait rien. On est loin de cette situation», tempère Thomas Mercier.

Le directeur général adjoint de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), Emmanuel Nahimana, a lui aussi des inquiétudes. «On ne connait pas encore ce qui va être offert, mais l’objectif pour nous, c’est de pouvoir garder nos acquis […] de garder les services existants pour pouvoir vraiment servir et répondre aux besoins des immigrants.»
La FANE a également demandé plus de fonds pour offrir de nouveaux services et attendait toujours la réponse au moment de publier.
Au Yukon, la directrice du développement économique de l’Association franco-yukonnaise, Édith Bélanger, indique aussi avoir demandé plus de moyens auprès d’Ottawa «pour être capable de répondre à la demande».
Elle précise que le français connait un essor au Yukon et que ce territoire devient de plus en plus un premier point d’arrivée au Canada.

«J’ai toujours une petite inquiétude tant que ce n’est pas signé, mais en principe, ça va quand même bien», dit Édith Bélanger au sujet des services d’établissement en français au Yukon.
Déjà des refus
«[IRCC] est actuellement en négociations pour conclure les ententes avec les organisations dont les demandes ont été retenues dans le cadre de l’appel de propositions», précise Rémi Larivière, un porte-parole d’IRCC, dans un courriel.
Pour des raisons de confidentialité, il n’est pas en mesure de révéler quels fournisseurs de services ont été retenus pour les négociations.
L’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) fait partie des organismes dont la proposition n’a pas été retenue, confirme son directeur général, Ronald Labrecque. IRCC ne lui a pas fourni de raison, mais il voit un possible lien entre ce refus et le resserrement de la porte d’entrée migratoire du Canada.
Malgré les tentatives d’Ottawa de diminuer l’immigration générale, les cibles en immigration francophone hors Québec demeurent inchangées. Mais selon Ronald Labrecque, le gouvernement fédéral pourrait vouloir éviter d’ajouter de nouveaux points de service alors qu’il tente de ralentir les arrivées.
Le directeur général perçoit toutefois un «soleil à travers les nuages dans une perspective à moyen, long terme» : avec la modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO) effectuée en 2023, même si un gouvernement souhaite minimiser l’immigration au Canada, «il faut qu’il y ait une priorité au niveau de la francophonie».
La Politique en matière d’immigration francophone, enchâssée dans la nouvelle LLO, stipule justement que «pour traduire une hausse des admissions d’immigrants d’expression française en une augmentation du poids démographique, plusieurs conditions de réussite doivent être réunies, comme […] la prestation de services essentiels en français».
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Éviter le «plaster temporaire»
Les services d’établissement permettent de «connecter [les nouveaux arrivants] vers les institutions francophones», explique Thomas Mercier.
«Le service francophone va savoir qu’il y a des garderies, des écoles primaires, secondaires, postsecondaires, des services de santé, des évènements communautaires, des spectacles de musique, des lieux où les gens se rassemblent, des opportunités d’emploi [en français]», donne-t-il en exemple.
«Tout ça va faire en sorte qu’il y a beaucoup plus de chance qu’après une, deux, trois générations, la famille nouvelle arrivante francophone soit toujours francophone.»
Selon Thomas Mercier, si l’on continue de renouveler les vagues d’immigrants francophones sans faciliter leur intégration au sein des communautés francophones, alors l’immigration devient un «plaster temporaire» au déclin du français.
«Il faut qu’à terme, ils fassent partie de la communauté franco-ontarienne, qu’ils contribuent, et que leurs descendants soient de fiers Franco-Ontariens qui font partie d’institutions francophones, qui parlent encore français, qui se battent encore pour leur langue, estime le coordonnateur. C’est comme ça qu’on va faire de la vitalité à long terme.»
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