La semaine dernière, notre éditorial recommandait une meilleure formation ainsi que de l’aide externe de spécialistes afin d’aider la police à mieux gérer des situations de crises impliquant des personnes à risque. Depuis, les décès aux mains de policiers d’autres personnes en proie à des problèmes psychologiques viennent souligner l’importance de cette recommandation. J’aimerais aujourd’hui vous raconter une histoire personnelle qui illustre bien comment il est possible de gérer de telles situations différemment.
L’histoire se passe au début des années 1990 dans la ruelle d’arrière l’ancien édifice de Radio-Canada / CBC au centre-ville de Sudbury, sur la rue Mackenzie. J’étais à ce moment rédacteur sénior à la CBC. Notre salle de nouvelles se trouvait à l’arrière de l’édifice avec de grandes fenêtres donnant justement sur la ruelle Fir Lane.
Ce jour-là, vers 11 h du matin, nous remarquons plusieurs voitures de police qui convergent juste devant nos fenêtres. Curiosité journalistique oblige, plusieurs d’entre nous sortent voir ce qui se passe.
Nous voyons alors une demi-douzaine de policiers qui entourent un jeune homme qui tient un long couteau dans sa main. L’homme est dans un espace vide derrière un édifice de l’autre côté de la ruelle. Il est un peu échevelé, pas très bien habillé et semble en détresse. Ses intentions ne sont pas claires, mais il semble plus enclin à se blesser lui-même qu’à faire du tort à autrui. Il pose à plusieurs reprises le couteau sur son avant-bras.
Les policiers se tiennent à distance et lui parlent. Quant à nous, nous laissons un journaliste «couvrir» l’incident et nous rentrons poursuivre notre travail. Notre journaliste témoignera de l’évènement au prochain bulletin de nouvelles.
Ce qu’il nous apprend, c’est que les policiers n’ont pas haussé le ton, n’ont pas approché le jeune homme. Ils lui ont plutôt demandé ce qui ne va pas et lui proposent de l’aide. La discussion durera plus de 45 minutes. Éventuellement, le jeune homme déposera son couteau au sol et deux policiers l’approcheront pour lui mettre des menottes. Nous apprendrons qu’ils l’ont conduit à l’hôpital pour des soins psychiatriques.
Depuis les récentes histoires impliquant des policiers canadiens qui tuent des victimes qui tiennent un couteau, je ne peux que penser à cet incident qui s’est bien terminé. Je ne peux comprendre comment une demi-douzaine de policiers vêtus de gilets et de gants en kevlar ne sont pas capables de désarmer sans tuer une personne instable qui n’a qu’un couteau à la main. Et je ne peux vraiment pas comprendre comment ils ne sont pas capables de désamorcer la tension par la parole.
Il est clair que chaque situation est différente et que toutes comportent des risques pour les policiers. On comprend aussi que certaines personnes en détresse sont plus agressives que d’autres et que, dans certains cas, l’issue sera mortelle. Mais la fréquence grandissante de ces évènements meurtriers indique clairement qu’en tant que société, il nous faut repenser comment nous les traitons.
Et il est de plus en plus clair que les policiers ont besoin d’une meilleure formation et de l’aide de spécialistes pour gérer ce genre de crise. Ça peut se faire sans tuerie.