Tous les fonctionnaires jouent au jeu des serpents et échelles. L’idée, c’est de grimper les échelles du pouvoir hiérarchique sans glisser sur un serpent et redescendre.
Depuis 20 ans, dans la bureaucratie ontarienne, la Commissaire aux services en français, Kelly Burke, avait excellé à ce jeu. Avant sa nomination au poste de commissaire, elle avait atteint le poste de sous-ministre adjointe au ministère des Collèges et Universités. Jusqu’en 2019, elle occupait ce même poste au ministère des Affaires francophones. Elle y faisait un bon travail, mais après six mois en tant que commissaire, il est difficile de dire si son nouveau poste représente une ascension ou une dégringolade sur un serpent.
Il faut bien sûr considérer le fait qu’elle n’est en poste que depuis janvier 2020 et qu’elle n’a pas encore publié un premier rapport qui nous permettrait de juger de son travail. Il faut aussi comprendre qu’elle n’est pas vraiment une commissaire comme l’était Me François Boileau avant que le gouvernement Ford abolisse ce poste. Boileau était un vrai commissaire qui ne répondait qu’à la législature ontarienne et qui avait donc les coudées franches pour étudier tout ce qui touche les services en français. Burke, elle, est soumise au régime de l’Ombudsman de l’Ontario qui dépend d’une tout autre loi et qui ne fait pas le même travail qu’un commissaire.
Par exemple, un citoyen qui ne recevait pas les services en français auxquels il avait droit pouvait envoyer une plainte directement au Commissariat aux services en français. L’équipe du commissariat pouvait immédiatement enquêter. Mais une plainte à l’ombudsman doit suivre un processus plus long et plus compliqué. L’ombudsman étant le dernier recours, un citoyen qui se sent lésé doit faire la preuve qu’il a épuisé toutes les autres avenues de redressement.
D’un autre côté, le Bureau de l’ombudsman est une machine plus grosse et pas mal mieux huilée qu’un bureau de commissaire plus petit. On y retrouve des enquêteurs, des juristes et du personnel de soutien habitués à faire la lumière sur les problèmes des citoyens. De plus, un ombudsman peut exiger des réparations et faire des suivis pour s’en assurer alors que le commissaire devait souvent se satisfaire de la réponse : «Oui, oui, nous admettons notre tort et ça ne se reproduira plus».
On dit aussi qu’il y a eu récemment certaines avancées quant aux services législatifs en français. Par exemple, à la suite des nombreuses plaintes au sujet des conférences «English-only» du premier ministre Ford sur la COVID-19, la législature s’est dotée d’un système de traduction simultanée sur YouTube. On ne sait cependant pas si ce changement a été influencé par la commissaire ou par les interventions des citoyens et des députés — allo, France Gélinas.
Quoi qu’il en soit, madame Burke devrait présenter son premier rapport en janvier prochain. En comparant son efficacité au sein de l’appareil de l’Ombudsman avec celle de Me Boileau, nous pourrons alors discerner si son nouveau poste représente une échelle ou un serpent. À suivre…