le Mercredi 23 avril 2025
le Jeudi 4 juin 2020 4:20 Santé

Communications inégales des maisons de soins de longue durée

Lorsque l’état d’urgence fait un pied de nez aux normes
Communications inégales des maisons de soins de longue durée
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En soins de longue durée, chaque établissement doit suivre des règles qui assurent le bienêtre des ainés. Cependant, avec la hausse des risques chez ces derniers, spécialement lorsque des cas de COVID-19 sont découverts dans les résidences, le protocole est parfois vite oublié. 

«Puisque l’état d’urgence a été déclaré, les directives et règlements par rapport aux maisons de soins de longue durée ont été levés. Donc, dans un temps où les risques sont très élevés, les mesures gouvernementales ne sont plus là et ça, ça inquiète beaucoup de gens», affirme la députée néodémocrate de Nickel Belt et porte-parole de l’opposition en matière de soins de santé, France Gélinas.

La situation décrite par Mme Gélinas s’est d’ailleurs produite dans une maison de soins de longue durée de la société Extendicare située dans le Nord de l’Ontario. Au début du mois de mai, les personnes responsables des résidents, souvent l’enfant ou le/la conjoint.e, ont reçu un appel pour les informer que trois cas de COVID-19 y avaient été découverts. «Comme de raison, ç’a généré beaucoup d’anxiété chez les familles», souligne la fille de l’une des résidentes, qui a requis l’anonymat pour ne pas causer de tort à sa famille.

Photo : Courtoisie

Une visioconférence «orchestrée»

En réponse à une demande de cette dernière, qui a dû être soumise au bureau corporatif d’Extendicare à Toronto, les familles des résidents ont eu droit à un appel en visioconférence le 14 mai. Les résidents n’étaient pas présents, l’appel ayant eu lieu entre les employés du centre et les familles. Ce «privilège» n’a toutefois pas satisfait la demanderesse.

«C’était extrêmement frustrant. On ne pouvait pas voir qui étaient les autres participants et on ne pouvait pas voir les questions des autres. L’impression que ça m’a donnée, c’est que c’était un exercice de contrôle des dommages», admet-elle.  

«C’était extrêmement orchestré. Toutes les réponses étaient préparées à l’avance. On voyait que l’équipe lisait des textes et qu’elle était nerveuse. Je les comprends et je ne mets pas la responsabilité sur l’équipe, mais je me questionne sur les mesures prises par la corporation Extendicare», expose-t-elle.

Passer par la porte arrière

La députée France Gélinas penche du même côté : «Extendicare, c’est l’une des trois grosses chaines de maisons de soins de longue durée privées en Ontario [avec Sienna Senior Living et Chartwell Retirement Residences]. Je te dirais que la stratégie de communication est la même dans toutes leurs maisons, parce qu’il y a des gens de différents foyers qui m’appellent et on se rend compte qu’ils reçoivent les mêmes courriels et les mêmes notes, peu importe dans quelle maison ils sont.» 

Plusieurs citoyens ont fait appel à Mme Gélinas afin de déjouer le manque de communication d’Extendicare. «Dans toutes les maisons de soins de longue durée, il y a des médecins responsables des soins, mais elles doivent aussi embaucher des médecins consultants. Donc, ce que je fais souvent, c’est que je trouve qui est le médecin consultant pour cette maison-là et je mets la personne en contact avec lui ou elle. Mais ce n’est pas comme ça que ça devrait être», indique la députée, qui préfèrerait que les médecins responsables puissent s’adresser directement aux familles.   

Des communications inégales

Les maisons de soins de longue durée ont le devoir de répondre aux questions des personnes responsables des ainés. «Il y en a qui le font très bien, qui vont organiser des téléconférences et donner des mises à jour quotidiennes. Et il y en a d’autres où c’est pitoyable», déplore la députée.

Lianne Pelletier, fille d’un résident du Temiskaming Lodge, un foyer de soins longue durée de la compagnie Jarlette Health Services, a eu une meilleure expérience et était satisfaite des mesures mises en place.

Photo : Alexandre Matte

«Il y a eu un cas de COVID-19 il y a quelques semaines et la personne est depuis guérie. Les employés du Lodge communiquent fréquemment avec ma mère par téléphone pour la tenir au courant de l’état des choses et de mon père. Certes, ils ne peuvent pas tout lui dire (par exemple l’identité ou le numéro de chambre de la personne infectée), pour des raisons de vie privée, j’imagine. Les travailleurs n’ont pas beaucoup de temps pour jaser avec elle, mais elle bénéficie quand même d’une communication directe avec le Lodge», décrit Mme Pelletier.

Quels droits ont ces locataires?

Les places en foyers de soins longue durée peuvent couter très cher, allant parfois jusqu’à 3000 $ par mois. Mais cette somme impressionnante ne donne pas plus de droits aux locataires.

«C’est le gouvernement qui surveille les maisons de soins de longue durée et qui paye pour les soins. [Les résidents] ne tombent pas sous la Loi sur la protection des locataires. Ils tombent sous le ministère de la Santé, où il y a habituellement plus de 300 règlements à suivre. Mais parce que le gouvernement a déclaré l’état d’urgence, ces règlements-là ne sont plus applicables», explique la députée France Gélinas.  

À ce relâchement s’ajoute la possibilité de recruter des bénévoles et d’annuler les formations. «Il y a des résidents qui ont des besoins très complexes et la raison pour laquelle ils sont dans une maison de soins de longue durée, c’est parce qu’ils nous disent que les services sont conçus et offerts par du monde formé», fait remarquer la fille de la résidente de la maison d’Extendicare.

La corporation Extendicare à Toronto a refusé une demande d’entrevue téléphonique. En ce qui concerne le manque de communication décrié par les familles des résidents, elle répond par écrit : «La COVID-19 a augmenté le besoin de communication dans plusieurs maisons et les familles reçoivent des mises à jour par écrit deux fois par semaine. On fait aussi des tests pour des visioconférences hebdomadaires où les familles peuvent poser des questions.»

France Gélinas invite les citoyens à faire part de leurs préoccupations à leur député provincial ou à formuler une plainte au ministère de la Santé.