Chacun son tour
Le premier débat des chefs en anglais, organisé par CityTV et le magazine McLean’s, a eu lieu le 12 septembre sans Justin Trudeau qui a dit vouloir se limiter aux débats officiels qui seront organisés par le consortium des médias. Plusieurs ont dit que son absence était une perte. Nous, on a trouvé ça rafraichissant.
Justin Trudeau a assez d’attention depuis des mois, voire des années, on sait ce qu’il pense, ce qu’il défend, comment il prend ses égoportraits… L’occasion était plutôt bonne pour les trois partis d’opposition d’annoncer leurs couleurs et de rappeler ce qui leur tient à cœur. Jagmeet Singh du NPD l’a mieux fait que les deux autres et c’est peut-être pourquoi plusieurs l’ont déclaré vainqueur alors que le conservateur Andrew Scheer s’époumonait à attaquer un absent en faisait très peu d’annonces claires ou rassurantes.
Analyse rapide des prestations : Scheer avait un faux sourire froid, mais est resté calme malgré les attaques. Elizabeth May interrompait trop tout le monde.
Les vraies informations
Ne vous fiez pas aux partis pour vous donner des «faits» qui n’ont pas été manipulés pour les avantager. Vous devez compléter votre information avec des articles, des recherches et des analyses des grands médias. Les conservateurs et Radio-Canada nous en ont donné un bon exemple la semaine dernière.
Le chef conservateur a utilisé des chiffres d’une étude qui lui permettait de dire que les libéraux avaient augmenté les impôts de 80 %. Les journalistes de la chaine nationale ont rapidement expliqué que les conservateurs basaient leurs affirmations sur une étude de l’Institut Fraser datant de 2017 — nous vous avouerons que Le Voyageur ne fait plus confiance aux analyses tendancieuses de cet Institut depuis longtemps. Le défaut de l’étude, de l’aveu même de l’Institut, c’est qu’elle ne tenait pas compte de l’Allocation canadienne pour enfants.
Or, selon la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, l’Allocation non imposable et bonifiée par les libéraux est plus généreuse que ce qui existait avant. De plus, le gain monétaire qu’elle procure aux familles, ajoute un rapport du ministère des Finances en 2018, est plus important que la perte provoquée par l’augmentation des impôts.
Morale de l’histoire? Les quatre parties utiliseront toujours les chiffres à leur avantage, contrevérifiez leur source et leur interprétation.
Les non-dits
N’oubliez également jamais que celui qui fait une promesse vous présente seulement les faits qui le font bien paraitre. Les communiqués que nous recevons et les annonces de promesses sont remplis de bons exemples de présentations biaisées. Voici quelques exemples :
- Le Parti conservateur annonce «une Baisse d’Impôt Pour Tous» (un peu fort sur les majuscules?). On met de l’avant que le taux d’imposition pour les individus ayant un revenu annuel inférieur à 47 630 $ passerait de 15 % à 13,75 %. L’annonce précise bien que toutes les tranches d’imposition profiteraient d’une baisse, mais on ne précise pas de taux pour les plus riches. Est-ce un plus imposant pourcentage? Moins? Pourquoi?
- Le Nouveau Parti démocratique a promis le retour du Fonds d’innovation pour l’automobile et de tripler l’incitatif pour l’achat de véhicule sans émissions. Condition pour les deux : les véhicules doivent être faits au Canada. Dans un marché intégré comme la fabrication de pièces automobiles et l’assemblage, où une pièce peut passer plusieurs fois la frontière, ce n’est pas facile de dire à quel point une voiture est Canadienne. Le chef du NPD n’a pas pu préciser comment ceci serait mesuré.
- Le plan environnemental des conservateurs inclut un Corridor énergétique national. Sans plus de détails, on imagine une «autoroute» contenant pipeline de pétrole, de gaz naturel et des lignes électriques à haute tension. Premier non-dit : le champ électromagnétique produit par des lignes électriques accélère la corrosion des pipelines. Inconnu No2 : comment comptent-ils obtenir les terres pour traverser le Canada? Par expropriation forcée? On sait déjà que les conservateurs veulent encore diminuer la portée des études environnementales, ça pourrait rapidement devenir un beau gâchis.
Les libéraux ont fait peu de nouvelles promesses pendant la première semaine de campagne, alors on se redonne rendez-vous la semaine prochaine pour leur tomber dessus.