Si c’est déjà un défi de faire de l’enseignement en ligne pour les élèves du secondaire, imaginez la tâche qui attend les enseignantes de maternelle et de jardin. Dans leur cas, rien n’est possible sans les parents, mais il faut tout de même que les responsabilités de chacun soient claires.
Brigitte Lapierre a une classe qui combine ces deux niveaux à l’École élémentaire catholique Ste-Anne de Mattawa.
Lorsqu’elle a appris que le reste de l’année se passerait de la maison, sa première pensée a été pour ses élèves : «Surtout ceux où l’école est leur endroit de stabilité; les élèves avaient fait tellement de progrès au niveau des routines, du comportement, de la langue, alors c’était une inquiétude en étant à la maison pour un temps indéterminé».
Pour elle-même, c’était plutôt un défi pour innover, puisqu’elle est à l’aise avec les outils technologiques.
Premier mot : parents
En maternelle et jardin, les élèves doivent avant tout apprendre la socialisation et les bons comportements dans un groupe. Mme Lapierre dit y avoir consacré beaucoup de temps depuis le début de l’année. Elle doit maintenant s’assurer que cet apprentissage se poursuive à la maison par le biais des parents.
«Je dépends des parents en ce moment pour amener un programme. Si le parent n’est pas branché, l’enfant ne le sera pas. Il faut aussi faire preuve de compassion. Chaque famille est en train de vivre cette pandémie de différente façon.»
Elle a donc dû, d’une certaine façon, éduquer les parents. Plusieurs avaient de bonnes intentions, mais avaient des objectifs trop avancés pour leurs enfants. Mme Lapierre a pris le temps d’expliquer aux parents ce qu’on enseigne en maternelle/jardin et pourquoi.
«Le message que j’envoyais aux parents c’est : “vous avez toujours été le premier enseignant de votre enfant, alors ne soyez pas intimidé par l’idée”. Aussi qu’ils ne vont pas faire ma job, dans le sens que ce n’est pas la même pédagogie que je peux livrer en salle de classe.»
Les enfants des écoles francophones ne parlent pas nécessairement toujours en français à la maison. Mme Lapierre est heureuse d’avoir reçu des messages de plusieurs parents qui ont choisi de parler davantage en français à la maison pour que leur enfant pratique.
De plus, pour s’assurer que tous les parents puissent participer, elle prend le temps de traduire tous les messages qu’elle envoie. Son site web est aussi bilingue.
Pour savoir si les élèves progressent ou sont au bon niveau, elle dépend aussi des observations des parents. «Maternelle/jardin, c’est beaucoup par observation qu’on note les progrès des élèves et l’apprentissage se fait par le jeu.»

Deuxième mot : communication
Avant de préparer des activités, Mme Lapierre et l’éducatrice en petite-enfance Diane Major ont d’abord fait l’inventaire de ce que toutes les familles ont le plus de chance d’avoir à la maison. Elles ont exclu les imprimantes et certains outils de bricolage, par exemple.
Mme Lapierre était déjà en contact avec les parents par le biais de la plateforme Dojo, auquel elle a ajouté un site internet contenant des liens utiles et d’autres ressources qu’elle suggère de consulter.
Elle donne trois activités par semaines en lien avec les lettres de l’alphabet et les chiffres. Par exemple, elle a suggéré de simplement compter le nombre de bonds que l’élève fait avec un ballon, ce qui permet aussi d’évaluer l’habileté motrice.
Elle a aussi organisé un bingo jumelé à une chasse aux trésors où les élèves devaient trouver neuf objets dans leur maison, comme «un objet qui roule, mais pas une balle, ou quelque chose qui sent bon». Les parents ont rapporté que les enfants avaient beaucoup apprécié cette activité.
Brigitte Lapierre mise aussi beaucoup sur des activités à l’extérieure. De simples promenades d’observation ont permis à un élève de partager des photos d’un nid d’oiseau avec des œufs à l’intérieur. «Ce n’est pas nécessairement des choses qui sont dans le programme, mais ce sont des choses qui nous branchent et nous donnent ce sens d’appartenance là et de bienêtre», indique Mme Lapierre
Pour que les élèves puissent la voir, elle fait une vidéo par semaine où elle lit une histoire, une autre pratique gagnante selon les parents.

Troisième mot : internet
Brigitte Lapierre rappelle que Mattawa n’est pas la ville avec le meilleur réseau internet. Elle-même n’a pas accès à plus de 5 Mo/s chez elle. Avec deux filles au secondaire, elle a dû établir un horaire d’utilisation. Heureusement, elle a accès à une autre connexion le soir qui lui permet de téléverser des fichiers vidéos plus rapidement. Sinon, elle a besoin de 9 heures pour faire la mise en ligne d’une vidéo de 15 minutes.
Les familles qui n’ont pas internet ou qui ont une connexion trop lente ont accès à une connexion sans fil dans le stationnement de l’école, mise en place par le Conseil scolaire catholique Franco-Nord.