La comédienne Esther Beauchemin, qui interprète l’ancienne enseignante Cécile «qui reprend et casse les pieds de tout le monde mais qui est quand même sympathique», dit que ces deux années de pause leur ont permis de redécouvrir le texte et les personnages sous un nouveau jour.
«Quand on l’a joué à Sudbury, on avait la fougue des premières, mais on n’avait pas une compréhension aussi profonde du spectacle, dit Mme Beauchemin. Je pense sincèrement que ce n’est plus vraiment le même spectacle.»
Elle donne en exemple une meilleure compréhension des parallèles entre certaines parties du texte et du lien avec l’identité de la francophonie minoritaire canadienne, l’oublie et le souvenir.
Pour se remettre le texte en bouche, les comédiennes ont tenu des séances de lecture par Zoom. Ce n’est pas l’idéal pour un texte où les comédiennes doivent parfois parler en même temps, mais c’était nécessaire, puisqu’elles demeurent toutes dans des villes différentes. Ces séances ont été l’occasion de reposer des questions et d’approfondir la compréhension du texte.
«On se permet d’être un peu plus ensemble. Il y a un lien plus concret, plus charnel qui s’est établi entre ces vieilles dames qui sont toutes seules dans leur maison de retraite», raconte la comédienne.
Le club des éphémères se déroule dans un foyer de la région du Nipissing. On y rencontre cinq femmes : Marie, Yvonne, Émilie, Annette et Cécile. Non seulement portent-elles toutes les mêmes prénoms que les jumelles Dionne, mais elles partagent une passion pour cette histoire et préparent d’ailleurs une pièce de théâtre sur le sujet qui sera présentée le soir de la St-Jean. Un peu par hasard, elles se retrouveront devant la caméra d’un documentariste qui veut faire un film sur les shadflies, mais ce n’est pas de ça qu’elles veulent parler.
Les cinq femmes vont se battre pour l’attention de la caméra, car elles ont toutes quelque chose d’important à dire «qu’elles veulent malheureusement dire au même moment», dit Alain Doom.
«C’est une pièce extrêmement difficile à jouer, dit Mme Beauchemin. Les dialogues ne se répondent pas nécessairement. Il y a plusieurs répétitions, mais avec des nuances.» Un constat qu’avait aussi partagé la comédienne Hélène Dallaire en 2020.

Les cinq comédiennes et le metteur en scène Dillon Orr
Entre le souvenir et la fiction
Le metteur en scène Dillon Orr décrivait en 2020 l’aura de mystère dans lequel baigne la pièce : «Tout au long de la pièce, on se pose la question : “C’tu vrai?”». Est-ce qu’il y a vraiment un documentariste? Est-ce qu’elles essaient de se rendre plus intéressantes? Est-ce qu’elles répètent vraiment un spectacle sur les jumelles?
Le décor entre aussi en jeu dans l’établissement de cette incertitude. La responsable de la scénographie, la directrice artistique du Théâtre du Nouvel-Ontario, Marie-Pierre Proulx, s’est tenue loin d’un décor qui ressemblait à une maison de retraite. «Tout est dans le texte, on n’a pas besoin d’illustrer où elles sont.»
En fait, il y a un va-et-vient constant entre la pièce qu’elles montent, le documentaire et leur histoire. «On a voulu jouer avec le contraste entre le théâtre, le cinéma. On est dans plein d’endroits en même temps» et la scène dans la scène, le rideau et les jeux de lumière sont là pour appuyer les transitions, dit Marie-Pierre Proulx.
Esther Beauchemin se souvient des émotions d’incrédulité, de confusion et de frustration vécues par l’équipe lorsque la deuxième semaine de représentations a dû être annulée. Des émotions communes à tout projet qui doit être interrompu avant la fin. «Ce qui est extraordinaire, c’est que les producteurs ont continué de croire au projet et de le tenir à bout de bras. Aujourd’hui, on est tellement contente de se retrouver, de le reprendre.»
La création du Théâtre du Nouvel-Ontario et du Théâtre français de Toronto sera présentée à la salle Trisac du Collège Boréal du 20 au 23 avril.