Les immigrants, et surtout les réfugiés, arrivent dans leur nouveau pays avec un bagage psychologique parfois déjà très lourd. Les tâches administratives et le simple fait de tenter de s’intégrer à sa communauté d’accueil ne font qu’ajouter au fardeau mental. Pour ces raisons, la santé mentale doit de plus en plus être prise en considération dans l’accueil des nouveaux arrivants.
Des intervenants qui travaillent avec les nouveaux arrivants ont eu l’occasion de suivre une formation en ce sens les 5 et 6 mars au Centre de santé communautaire du Grand Sudbury. La formation a été prodiguée par le superviseur de clinique autorisé de l’Ordre des psychothérapeutes autorisés de l’Ontario qui travaille à la Maison Fraternité, Papa Ladjiké Diouf, et un psychothérapeute MA à la Maison Fraternité, Olivier Engoute.
Un lien entre l’immigration et la santé mentale
Les problèmes de santé mentale les plus courants chez les immigrants sont la dépression et la détresse psychologique liée au deuil qu’ils ont à faire. Mais il y a aussi le syndrome de stress posttraumatique (SSPT), surtout chez les réfugiés qui fuient une situation de violence.
M. Engoute indique que la simple intégration dans la communauté est un facteur qui peut affecter leur santé mentale. «L’immigrant ne vit pas juste un processus administratif. Il y a des processus psychologiques et mentaux qui engagent des deuils, des pertes, des chocs culturels et des traumatismes. Cela fait que oui, il est à la tâche sur le plan administratif, mais en même temps, l’immigrant gère des choses qui font qu’il peut avoir une efficacité optimale dans son intégration parce qu’il se sent bien et il a travaillé sur ses défis, ou alors il peut vivre des difficultés à s’intégrer, parce qu’il est juste encore dans sa tête.»
Papa Ladjiké Diouf, quant à lui, souligne que souvent, la santé mentale de personnes réfugiées est encore plus affectée par le processus d’immigration. «Disons que souvent, les réfugiées vont porter beaucoup plus de problématiques qui peuvent avoir un impact sur la santé mentale, parce que souvent, le processus de départ des gens est un processus forcé. Ils sont souvent passés par des camps et, la plupart du temps, il y a une violence vécue, soit une violence politique, religieuse ou interethnique. À partir de ce moment-là, on retrouve très souvent beaucoup plus de difficultés de santé mentale avec ces populations-là que l’on retrouverait peut-être avec les autres types d’immigrants.»
«Dans les camps de réfugiés, c’est encore d’autres problématiques qui s’ajoutent à ce qu’ils avaient déjà, poursuit le psychothérapeute, parce qu’ils fuient souvent une zone où il y a de la guerre, où ils ont perdu des êtres chers et où ils ont subi des actes violents et ils arrivent dans les camps de réfugiés où il peut avoir pleins de problématiques autour de ça, en plus des conditions de vie qui sont souvent exécrables. C’est tout ça qui fait qu’ils ont accumulé énormément de blessures et de souffrance qui font que souvent, les traumatismes peuvent être beaucoup plus intenses».
Travailler pour et avec les immigrants
Les deux employés de Maison Fraternité croient que le Canada a un processus d’immigration et d’intégration agréable, comparé à d’autres pays. Cependant, ils soulignent qu’il y a encore du perfectionnement à faire pour certains services.
«Je pense que les efforts sont là, mais il y a encore beaucoup d’effort à faire. Pour moi c’est plus dans le sens collaboratif, de ne pas juste travailler pour les immigrants, mais de travailler aussi avec eux dans le cadre de la collaboration avec les ressources communautaires de ces communautés immigrantes, parce que souvent, ils sont beaucoup plus légitimes dans la perception des immigrants que les professionnels de la communauté d’accueil. C’est plutôt travailler en collaboration pour mieux servir cette clientèle, travailler pour et avec eux», souligne M. Diouf.
«Le Canada fait un excellent travail en ce moment pour éviter des pièges que beaucoup d’autres pays ont connu dans la façon d’intégrer ou d’accueillir les populations immigrantes. Maintenant, on est dans la perspective du perfectionnement des outils pour ne pas vivre des conséquences néfastes que d’autres pays ont vécues. Il y a des belles choses qui se font et on est dans une logique d’optimisation du service rendu aux immigrants», ajoute Olivier Engoute.
Pour Papa Ladjiké Diouf, la collaboration et l’aspect communautaire sont nécessaires afin d’assurer que les immigrants puissent vivre la meilleure expérience d’intégration possible.
«On encourage beaucoup une approche collaborative, inclusive et systémique, mais en même temps aussi communautaire. C’est à partir de ce moment-là qu’on peut essayer d’aider ces communautés immigrantes et ces clients immigrants à être dans une position où ils peuvent avoir un hub où les professionnels se parlent entre eux, ont les informations pertinentes et ils travaillent pour et avec l’immigrant qui est au centre. C’est une approche centrée sur le client véritablement, pas simplement une approche d’expertise, pour redonner le pouvoir à ces clients-là», indique-t-il.