Le message du gouvernement est clair : rester chez soi afin de se protéger, de protéger les plus vulnérables et d’aplatir la courbe de propagation de la COVID-19. L’isolement au foyer peut cependant entrainer des conséquences terrifiantes pour les victimes d’abus dans leur propre demeure.
«Être prise et isolée à la maison avec son agresseur, c’est quelque chose de nouveau. La femme n’a plus la chance de sortir ou d’être seule», confie la coordonnatrice des intervenants de l’organisme Centr’Elles de Thunder Bay, Kaitlyn Fortier. Elle estime donc plus important que jamais d’être disponible par divers moyens.
Mme Fortier suggère d’abord d’être en sécurité avant d’appeler un centre de ressources, si l’agresseur entendait la conversation, il pourrait devenir encore plus violent. Mme Fortier donne à ses clientes un numéro de téléphone où elles peuvent lui envoyer un texto si cette méthode leur semble plus sure.
«Pas besoin de communiquer de vive voix. Il y a aussi un service de textos en ligne, Pure Chat, où elles peuvent me joindre», suggère la coordonnatrice. Ce service de communication est d’ailleurs ouvert à toute les femmes et permet de rejoindre bien d’autres intervenantes.
Centr’Elles doit aussi tenir compte des besoins particuliers de sa clientèle pour lui offrir des services adéquats. Par exemple, le bureau satellite de l’organisme à Greenstone dessert une population plus âgée, donc moins habile avec la technologie. Là-bas, l’équipe se sert plutôt de groupes de soutien, mais doit repenser cette stratégie pour la période d’isolement.
Les appels à la hausse ou à la baisse?
L’achalandage des centres qui viennent en aide aux femmes victimes de violence dans le nord de l’Ontario n’est pas uniforme. À Timmins, le Centre Passerelle constate une augmentation d’appels pour son centre d’hébergement.
«Il y a beaucoup de femmes qui se cherchent un logement. Les hébergements sont limités, même pour les femmes qui essayent de quitter une relation», explique la directrice générale du centre, Chantal Mailloux. «On fait notre possible pour qu’elles puissent avoir les services nécessaires pour quitter une relation abusive.»
Du côté de Hearst, Kapuskasing, Smooth Rock Falls et Moosonee, les Services de counselling HKS et le Centre Habitat Interlude constatent plutôt une diminution d’appels. «C’est un peu plus épeurant, car ça indique que les femmes n’ont peut-être pas nécessairement accès au téléphone pour appeler à l’aide. Si elles sont isolées avec l’agresseur à la maison, c’est plus difficile», présage la directrice des services aux victimes, Terry Allard.
«Je pense qu’elles ont peur et c’est pour ça que les chiffres baissent. Mais on continue d’offrir de l’hébergement pour les femmes victimes de violence. Pour la maison d’hébergement, on a mis des mesures en place pour protéger les employés et les personnes qui y restent», assure-t-elle.
Mis à part l’hébergement, le centre offre des rencontres virtuelles pour remplacer les discussions face-à-face.
Le Centre Victoria pour femmes, qui dessert les communautés de Sudbury, Sault-Ste-Marie, Elliot Lake et Wawa, n’a quant à lui pas vu de changements au niveau du nombre d’appels. «Je crois qu’on n’a pas encore commencé à ressentir l’impact de façon quotidienne. Je pense qu’on va commencer à voir l’achalandage à mesure que l’on réalise l’urgence et l’importance de la situation de la pandémie», craint la directrice générale, Gaëtane Pharand.

Initialement, l’équipe avait communiqué avec ses clientes pour leur offrir des séances par téléphone. La plupart préféraient attendre les rencontres en personne, mais ces femmes réalisent maintenant à quel point cette période pourrait se prolonger et rappellent l’organisme pour organiser des rencontres par téléphone.
Surplus de stress, surtout pour les mères
En plus de la situation délicate, les familles font face à plus de stress qu’à l’habitude. «Pour celles qui ne travaillent pas, c’est un stress financier qui vient s’ajouter… et aussi celui des enfants qui ne veulent pas faire de devoirs à la maison», ajoute la directrice du Centre Horizon pour femmes de Sturgeon Falls, Linda Lafantaisie.
«Je ne peux pas aller dans tous les foyers, mais je crois que — et c’est démontré par des recherches — le partage des tâches n’est pas du tout équilibré. Les femmes assument beaucoup plus de tâches et de responsabilités quant aux enfants, à l’entretien du foyer et de la famille et aux achats», exprime Gaëtane Pharand.
À ces tâches viennent aussi s’ajouter les heures d’éducation scolaire des enfants à la demande du gouvernement. «Je connais des familles où les deux parents doivent maintenant travailler de la maison alors qu’on n’a pas nécessairement modifié leurs heures de travail. Je regrette, mais c’est irréaliste», déplore la directrice générale.
Conseils en temps de COVID-19
Ne pas hésiter à appeler les lignes de service :
- Centre Horizon pour femmes (Sturgeon Falls) : 1-705-753-1154
- Centr’Elles (Thunder Bay) : 1-888-415-4156
- Services de counselling HKS (Hearst, Kapuskasing, Smooth Rock Falls, Moosonee) : 1-800-461-8044
- Centre Victoria pour femmes : (Sudbury) 1-705-670-2517, (Sault Ste Marie) 1-705-253-0049, (Elliot Lake) 1-705-461-6120 et (Wawa) 1-705-856-0065
- Centre Passerelle pour femmes du nord de l’Ontario (Timmins) : 1-888-360-5657
- Ligne de soutien 24/7 de Fem’aide : 1-877-336-2433.
- Malgré les consignes de rester à la maison, les femmes en danger peuvent quitter leur demeure.
- En situation de danger immédiat, se sauver dans un endroit sûr puis appeler le 911 et attendre que les policiers arrivent.
- Utiliser l’ordinateur pour envoyer des courriels ou laisser des messages sur les pages Facebook des groupes et effacer l’historique Web.
- Ne pas s’isoler, maintenir une communication avec sa famille via internet, le téléphone, etc. Garder ce contact pour soi et pour ses enfants peut faire une grande différence.