Le 19 juillet 1997, pendant toute une foulée d’actions communautaires contre l’austérité du gouvernement de Mike Harris, des centaines de Sudburois·es queers ont pris d’assaut les rues du centre-ville pour la première fois. Épaulé par des activistes dévoués, ce groupe a défié l’homophobie écrasante de l’époque et a ignoré les menaces de violence afin de s’afficher ouvertement et de fièrement prendre sa place dans notre communauté. Vingt-cinq ans plus tard, nous commémorons ce moment et célébrons le progrès durement gagné de la communauté queer sudburoise.
Pour les gens qui se disent que la Fierté n’est plus importante aujourd’hui, ne nous faisons pas d’illusion; la bataille n’est jamais terminée. Loin de ça. Tant et aussi longtemps que l’injustice perdure, que certains dans notre communauté soient marginalisés et ostracisés en raison de leur genre, de leur peau, de leur âge, de leur séropositivité, de leur classe sociale, ce n’est pas fini. Si l’histoire récente nous démontre quelque chose, c’est la fragilité de nos droits et de nos libertés. Il est toujours trop facile de basculer vers l’arrière, subitement, si nous ne restons pas à l’affut, si nous tenons tout pour acquis. Vingt-cinq ans de risques, de manifestations, de nuits blanches, de chicane interne, de réconciliations, de vies offertes à sa communauté. Tout ça, tout ce travail, pourrait disparaitre d’un trait.
Malgré une société qui devient de plus en plus ouverte, une minorité de têtes grises de chevelure et d’esprit devient de plus en plus vocale, espérant fomenter l’ignorance, la peur et la haine. Nous voyons clairement le résultat de cette idéologie en action : dans les manifestations contre les heures du conte animées par des artistes du drag, par la dissémination accrue de la transphobie, par les plateformes électorales de nombreux partis et candidats locaux, par les menaces ouvertes de violence. Plusieurs vivants dans cette communauté seraient plus qu’heureux de nous arracher tout ce que nous avons bâti au fil des années puis nous retourner à une période sombre où on ne parlait pas de nous en public, où nous avions peur de marcher dans les rues, où nous étions citoyen·nes de deuxième classe, où on nous traitait d’inférieurs, d’abominations immorales, où on nous laissait crever d’une pandémie parce que ça faisait leur affaire.
Pour notre bienêtre, pour celui de nos enfants et des prochaines générations, nous devons agir. La haine, autant celle de la société que celle que j’ai intériorisée, m’a empêché de vivre ouvertement, de m’afficher fièrement. J’ai pris du retard sur tout le monde quand j’aurais pu juste être en train de vivre. Même si moi je le savais depuis un jeune âge que j’étais différent, je ne comprenais pas pourquoi je n’étais pas normal. Puis je me suis replié sur moi-même, ayant peur d’admettre cette vérité à qui que ce soit, même à moi-même. Je ne souhaite cette expérience à aucun autre jeune, parce que c’est ça que nous allons avoir si nous n’acceptons pas le fait que la queerness existe et qu’elle est magique, libératrice et pleine d’amour. J’implore de ne pas nous laisser influencer par des réactionnaires qui utilisent l’innocence des enfants comme boucliers pour cacher leur haine. Nous ne protégeons pas nos enfants en les gardant à l’abri, mais bien en leur donnant les outils et les conditions nécessaires afin qu’ils puissent s’épanouir pleinement, afin qu’ils deviennent les humains qu’ils sont censés devenir.
Nous sommes un peuple fort, une communauté qui est à la fois autant capable de grande beauté, de joie et d’extase, qu’elle est capable de juste fureur. Nous sommes toustes habité·es par un brasier qui nous propulse vers l’avant, qui nous anime à lutter et à relutter et à ne plus se laisser avoir. Nous sommes un peuple d’amour et de rage, de glitter et de briques. Nous ne pouvons pas nous permettre d’oublier nos racines, les grandes injustices de notre passé collectif qui menacent constamment de s’abattre à nouveau sur nos têtes. Oublier serait une grave injustice et une insulte à la mémoire de nos ainé·es, aux fondateurs·trices de cet organisme, aux générations inspirées par les évènements de Sex Garage, des Bathhouse Raids, de Stonewall et à toustes celleux qui ont lutté avant nous — la gang du Sudbury All Gay Alliance, du Sudbury Coalition Against Poverty, de Réseau Access Network. Ces gens se sont battus à coups de poing et à cris de cœur contre les répressions policière, gouvernementale et sociétale pour que nous puissions être libres, pour que nous puissions être là aujourd’hui, pour que nous puissions poursuivre la lutte afin de léguer un monde meilleur aux prochaines générations d’activistes, de brasseux de marde puis de faiseux de trouble. Même des décennies plus tard, leur amour se ressent et retentit en écho chez les artistes et activistes queers de notre communauté, animés par le même feu.
Nous sommes toujours loin d’atteindre la réelle libération queer que nous exigeons depuis des décennies. Tendons-nous donc la main, rallions-nous, puis fonçons vers l’avenir. Montrons à tout le monde ce que ça veut dire être une communauté qui s’aime et laissons celleux qui se dressent devant nous gouter à notre rage.
Longue vie aux queers du Nord, longue vie à Fierté Sudbury !