Le journalisme canadien est en péril. La situation financière de presque tous les médias est en déclin, ce qui les a forcés à réduire le nombre de journalistes. Ceux qui restent sont plus que jamais assujettis à la bête, c’est-à-dire forcés de couvrir et d’écrire à la va-vite pour remplir des pages et des cases horaires. Souvent sans beaucoup de réflexion ni rigueur.
Il y a un dicton en journalisme : «Ce qu’ils veulent que nous sachions, c’est des relations publiques, ce qu’ils ne veulent pas que nous sachions, ça c’est du journalisme». «Ils», ici, se réfère bien sûr aux pouvoirs, quels qu’ils soient : les gouvernements, les bureaucraties publiques, les entreprises, les lobbyistes, les défenseurs de toutes les causes imaginables. Or ce que nous voyons aujourd’hui dans la presque totalité de nos médias, c’est ce qu’ils veulent bien que nous sachions. Et ce sont les mêmes soi-disant nouvelles faciles à couvrir qui font les manchettes dans tous les médias.
Les choses faciles à couvrir sont celles qui sont données toutes cuites aux salles de nouvelles. Les crimes, par exemple, découlent tous de procès ou de communiqués de presse émis par les forces policières. Ce sont des nouvelles faciles à écrire et qui, généralement intéressent les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs.
Mais quel est le résultat quand un média local est rempli d’histoires de crime? C’est simple, les citoyens pensent que leur ville est remplie de criminels et ils ont peur. Pourtant, les statistiques démontrent clairement que le nombre de crimes violents diminue au Canada. Peut-on alors dire que nos médias sont le reflet de notre société? Évidemment pas. Ils sont plutôt le reflet d’une culture de facilité qui imprègne actuellement, pour toutes sortes de raisons, nos médias.
La situation est exacerbée par la concentration des médias. Dans plusieurs grandes villes canadiennes où on publie plus d’un journal ou on diffuse plus d’une chaine de radio ou de télévision, ces médias appartiennent maintenant aux mêmes propriétaires. Ce qui veut dire que les salles de nouvelles sont souvent combinées. Alors, finie la saine compétition qui, déjà, forçait les journalistes à fouiller pour se démarquer.
Ce qui présentement nuit le plus au journalisme, c’est la prolifération de textes d’opinion pour remplir des pages. Ce phénomène est vrai dans tous les médias, mais est un fléau sur les réseaux sociaux. Le problème est que la plupart des lecteurs — et même certains journalistes — ne font aucune différence entre un texte d’opinion et un article informatif.
Il y a quelques années, une ex-directrice du programme de journalisme de l’Université Laval expliquait en entrevue une des plus grandes difficultés des professeurs. Selon elle, il était difficile de faire comprendre aux nouveaux étudiants qu’il y a une différence fondamentale entre le soi-disant journalisme citoyen qui pullule sur les réseaux sociaux et le journalisme pratiqué selon un vrai code de déontologie dans les médias traditionnels renommés.
Le véritable problème, c’est qu’il est maintenant difficile de faire comprendre ça à certains médias traditionnels.