Si on n’a jamais pratiqué un métier, il nous est impossible de bien en connaitre et en comprendre tous les détails découlant des tâches qui y sont associées. Par exemple, on se demande tous ce que font les travailleurs accotés sur leur pelle et qui regardent leur collègue creuser. Il doit bien y avoir — peut-être — une raison derrière cette façon de faire.
Et les enseignantes (utilisons le féminin, puisqu’elles sont en majorité)… On n’a vraiment aucune idée. On sait qu’elles parlent devant leur classe et gèrent des crises. Mais on oublie facilement que leur travail inclut les heures de préparation et de correction hors de la classe, les crises des parents peu raisonnables, etc.
Il faut donc écouter, très attentivement, ce qu’elles nous disent, ce que les médias rapportent depuis le début du conflit de travail en Ontario et les observateurs qui affirment qu’environ 30 % des jeunes enseignantes quittent la profession dans les cinq premières années.
Ne nous attardons pas ici au matériel que les enseignantes payent de leur poche pour mieux équiper leur classe — même si elles ne devraient pas avoir à le faire —, mais plutôt aux heures supplémentaires et au travail bénévole.
Une liste publiée par la chaine Global en novembre révèle les tâches que le contrat de travail des enseignantes ne couvre pas, mais que nous tenons pour acquises. L’aide pour la préparation aux examens, les cérémonies en tout genre, les Expos science, les danses, les sorties scolaires, les lettres de recommandation pour les diplômés et bien d’autres ne sont qu’une partie de la liste.
Difficile d’établir une démarcation claire entre le travail et le bénévolat ici. La plupart des tâches qu’on retrouve sur la liste n’ont rien à voir avec l’enseignement académique pour lequel elles sont embauchées. En même temps, sans équipes sportives, clubs de toute sorte et visites hors des murs de l’école, de quoi aurait l’air la vie scolaire de nos enfants? L’apprentissage, surtout social, ne se fait pas seulement assis sur une chaise et en faisant la même chose que vos 24 — ou 36 — amis.
Ce sont souvent les enseignantes qui prennent l’initiative de s’occuper bénévolement d’une activité ou d’une autre. Elles ont donc le droit de refuser.
Mais pensez-y. Comment jugeriez-vous l’école de votre enfant — ses enseignantes et ses employés — si on vous annonçait qu’aucune enseignante ne veut entrainer les équipes sportives, accompagner les élèves pour les portes ouvertes à l’université, organiser la remise des diplômes ou donner une lettre de recommandation à votre enfant qui a travaillé si fort pour bien réussir sa 12e année? Vous seriez outré.
Et vous l’êtes peut-être déjà, parce que, dans le fond, c’est ce qui se passe en ce moment avec la grève du zèle.
Mais non, elles le font habituellement parce qu’elles ont à cœur, comme vous en tant que parent, le bonheur et la réussite de leurs élèves.
Mais dans un monde où les dépassements de couts des projets de construction sont constants et que la plupart des conventions collectives gèrent avidement les heures de travail supplémentaires, comment pouvons-nous accepter que d’autres types d’emplois — que l’on pourrait juger déjà sous-payés — doivent faire des heures non payées? Est-ce que notre monsieur accoté sur sa pelle accepterait de ne pas être payé pendant qu’il regarde son collègue creuser?
Où en est la société des loisirs qu’on nous a promis dans les années 1970? Comment se fait-il qu’au lieu d’hériter de ce rêve, nous ayons plutôt une augmentation du surmenage, des heures supplémentaires qui deviennent normales — et même une fierté mal placée — et un pouvoir d’achat qui s’effrite sans que les impôts n’augmentent?
Les réponses sont évidemment très complexes, mais nous trouvons que trop peu de gens et de politiciens se posent ces questions. Ce serait déjà un point de départ.
Et nous n’avons pas la réponse non plus au sujet des heures de travail pas ou peu payer. Difficile de pointer qui que ce soit du doigt quand vous êtes vous-mêmes victime de la même passion.