Le coronavirus vient de faire des victimes de façon presque inaperçue à Sudbury. Il a affecté quelque 2000 travailleurs de la minière Vale. Ces derniers ont récemment accepté un renouvèlement d’un an, sans aucun changement, de leur précédent contrat. La compagnie et le syndicat affirment que c’était la meilleure solution, mais permettez-nous d’en douter.
Rappelons les circonstances. Le dernier contrat de 3 ans signé après un long arrêt de travail arrivait à échéance le 31 mai, soit dans quelques semaines. Les négociations avaient débuté il y a plusieurs mois, mais aucun détail quant à leur déroulement n’avait filtré, même auprès des employés. Tout à coup, le 15 avril, coup de théâtre. La compagnie et le syndicat annoncent une entente. Le syndicat recommande chaudement à ses membres d’accepter ce «nouveau» contrat et tient rapidement un vote de ratification. Résultat : 62 % des travailleurs votent oui.
Les arguments des deux parties : 1) C’est difficile de négocier en respectant les mesures de confinement; 2) C’est difficile de négocier quand la pandémie embrouille l’avenir économique; 3) Il est difficile de négocier quand nous devrions plutôt nous préoccuper de la santé et la sécurité de nos travailleurs, de nos membres.
Tout cela est vrai, mais qu’en est-il de l’avenir financier des travailleurs et de la communauté qui en dépend? C’est simple, ils se sont fait rouler dans la farine.
Le point le plus important que tous les analystes semblent oublier, c’est la situation dans laquelle les travailleurs et les syndicats se retrouveront lors des prochaines négociations, dans un an. À ce moment-là, le syndicat aura perdu un des atouts les plus importants pour négocier un nouveau contrat. Il s’agit bien sûr de la fermeture bisannuelle de toutes les usines et mines de Vale pour réparations et maintenance, le fameux «shutdown». Comme ce «shutdown» n’a maintenant lieu que tous les deux ans, les installations en ont vraiment besoin cette année. Vale se retrouvait donc dans une position plus précaire pour négocier. Le syndicat était en position de force. Cette situation sera complètement renversée l’an prochain.
Il y a aussi quelques détails moins importants qui rendent la position syndicale difficile à comprendre. Par exemple, pourquoi recommander chaudement à ses membres d’accepter une entente qui ne leur donne rien six semaines avant la fin du contrat actuel? Le syndicat aurait pu la présenter aux membres sans essayer de la «vendre» et laisser ces derniers décider. S’ils avaient refusé le contrat, le syndicat aurait probablement pu négocier quelques petits arrangements comme une toute petite augmentation salariale ou même juste un boni à la signature. Ce ne serait pas grand-chose, mais quand même mieux que rien. Faut-il le répéter, le syndicat était en position de force.
L’an prochain, Vale n’aura pas autant besoin des travailleurs de Sudbury. Après le «shutdown», la minière continuera à produire et à augmenter ses réserves puisque l’économie reprendra lentement. Au 31 mai 2021, les travailleurs et Sudbury pourraient bien se retrouver le bec à l’eau.