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le Mercredi 15 juillet 2020 14:19 Éditorial

Poutine a gagné

Comment le Canada peut-il éviter de s'effondrer comme son voisin du sud...
Poutine a gagné
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Il y a maintenant ce qui nous semble une éternité de cela, une enquête américaine confirmait que la Russie avait influencé l’opinion publique américaine pendant l’élection de 2016 par le biais des réseaux sociaux. On sait que c’est déjà en marche pour celle de 2020.

Qu’est-ce que la Russie de Vladimir Poutine avait à gagner de l’élection de Donald Trump? Plein de choses si on regarde le président aller. Mais en réalité, leur but premier était de créer de l’incertitude et de la division chez les Américains, déstabiliser la population et le pays en entier afin qu’ils soient trop occupés et laissent le champ libre à la Russie pour réaliser ses ambitions.

Ils ont réussi.

C’était visible tout de suite après l’élection et ça l’est encore plus depuis quelques semaines avec les manifestations contre les mesures de confinement et celles contre le racisme — ou se mêlent fauteurs de troubles et racistes pour causer encore plus de confusion.

Sommes-nous à l’abri de tout cela au Canada? Nous l’avons déjà écrit ici même : non. L’extrême droite canadienne est plus petite que l’extrême droite américaine, mais elle existe et est de plus en plus organisée.

Heureusement, la déconfiture de Maxime Bernier à l’élection fédérale de 2019 prouve que l’électorat canadien est — pour l’instant — réfractaire à cette ligne de pensée. C’est d’autant plus une bonne nouvelle quand on sait que la Russie applique aussi ses tactiques sur les réseaux sociaux au Canada. Donc, méfiez-vous.

Pendant ce temps, la «civilisation» américaine s’écroule devant nos yeux, ironiquement, presque de la même façon que l’a fait l’Union soviétique au début des années 1990. Le rêve américain — celui où chacun se bat pour son propre succès — et le capitalisme à outrance qu’il privilégie ont créé une société où chacun voit l’autre comme un ennemi contre qui il doit se battre pour avoir sa part des récoltes, la meilleure éducation, l’accès aux soins de santé, etc.

Encore une fois, sommes-nous à l’abri au Canada? Non.

Même si notre répartition de la richesse a créé un tissu social plus solide qui ne nous force pas à nous entredéchirer pour acheter une banane ou payer notre séjour à l’hôpital, ces services sont en ce moment si mal financés que l’élastique est tendu à son maximum.

Le meilleur exemple récent est très certainement la déconfiture des centres de soins de longue durée pendant la pandémie; surtout ceux contrôlés par des intérêts privés en Ontario. La recherche des profits continue d’avantager les investisseurs au détriment des bénéficiaires — sans qui l’investisseur n’aurait pas un sou pourtant.

Mais ce n’est qu’un exemple. Les coupures en santé, en éducation et en environnement, alors que l’on continue à subventionner les grandes entreprises riches et les pétrolières, ne font qu’agrandir l’écart entre les riches et les pauvres au Canada comme ailleurs.

Si elles continuent, ces mêmes coupures créeront une population moins éduquée, plus malade, découragée par l’effritement de son pouvoir d’achat, effrayée par ses chances de survie et, finalement, plus en colère. Elle cherchera alors des solutions rapides et faciles que des politiciens riches et âgés, qui n’ont jamais connus la misère, leur vendront; appuyés malgré eux par les Russes et les Chinois, ouvertement ou non.

C’est là le prix ultime de la poursuite du profit au détriment de la vie des autres et même des baisses d’impôts.

Comme l’a écrit l’auteur anglais Umair Haque en décembre : «Des gens qui se battent pour leur survie ne peuvent pas prendre soin des autres».