D’entrée de jeu, les autrices et auteurs nous disent clairement qu’ils ont osé rêver : «Notre compréhension de notre mandat a été qu’il devrait se concentrer sur des questions de principes», écrivent-ils. Et des principes, ils en présentent plusieurs avec lesquels on est évidemment d’accord.
Par exemple :
- Qu’il y a une grande différence entre une université et un collège d’arts appliqués;
- Qu’une université est un lieu de constitution d’un peuple;
- Qu’il faut trouver un modèle de financement qui tient compte du fait qu’une minorité linguistique sera toujours aux prises avec des «petits nombres»;
- Que la nouvelle université devra faire sienne les principes de démocratie, transparence, imputabilité et inclusivité.
La façon dont les auteurs interprètent ces principes peut cependant être débattue. Par exemple, selon eux, la démocratie veut dire que tous les hauts dirigeants de l’institution — rectorat, doyens — devraient être élus par le corps professoral. On pourrait argumenter que ce sont les étudiants et la communauté qui paient pour une université qui devraient choisir ses dirigeants, mais, comme le font les auteurs, ce serait là oublier certains principes de gouvernance imposés par les lois sur les sociétés.
La deuxième partie du rapport se penche sur des questions pas mal plus spécifiques. Les auteurs y présentent une forme de gouvernance, une programmation académique détaillée et des pistes de financement qui, elles aussi, font rêver.
Par exemple :
- Un secrétariat conjoint entre le conseil de gouvernance et le sénat dont le rôle serait de résoudre les conflits qui opposent souvent ces deux instances dans les universités canadiennes;
- Quatre facultés : éducation, gestion, santé, sciences toutes alimentées par un tronc commun en arts et sciences sociales;
- Un allègement des frais de scolarité afin de concurrencer les universités existantes.
Voilà donc un modèle sur lequel une éventuelle université de langue française dans le Moyen-Nord pourrait peut-être se baser.
Mais il a un hic. Une telle université n’existe pas.
Ce sont l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et l’Université de Sudbury (UdeS) qui sont le plus près de ce but. Depuis un an, l’UdeS s’est donné le mandat de devenir l’université de langue française du Moyen-Nord. Mais elle doit d’abord obtenir les accréditations et autorisations qui lui permettront d’utiliser pleinement sa charte pour décerner des diplômes et obtenir un financement adéquat.
Et avec seulement 5 employés, aucun professeur rémunéré, un fond de réserves qui baisse à vue d’œil, il a été difficile de négocier avec les gouvernements. Un récent financement fédéral de 1,9 million $ nous laisse cependant présager un dénouement favorable. Est-ce qu’il sera à l’image de ce que propose le rapport? Seul l’avenir nous le dira.
La coalition et ses experts veulent que l’UdeS commence déjà à offrir des cours et à réaliser leur rêve. On peut comprendre, mais comment attirer des étudiants dans des cours qui ne mènent à aucun diplôme? Seul le gouvernement ontarien peut avaliser une université du Moyen-Nord, lui donner la permission de remettre des diplômes, et la coalition n’a peut-être pas le poids qu’elle aimerait avoir auprès des instances décisionnelles. De son côté, la récente annonce de financement laisse entendre que l’UdeS travaille fort en coulisses.
Souvenons-nous que la création de l’Université de l’Ontario français et celle de l’Université Laurentienne ont chacune pris plus de 5 ans.
Soyons patients et trouvons des solutions pour aider à réduire ce temps d’attente.