Il est très difficile de rester calme et poli quand une multinationale menace votre raison d’être, votre gagne-pain, après vous avoir emprisonné dans leur modèle pendant des années. Nous ferons quand même de notre mieux.
Google et Meta (Facebook) menacent de couper l’affichage du contenu des médias canadiens si le projet de loi C-18 du gouvernement fédéral devient loi. Qu’ils aillent se faire… Non. Nous avons promis de rester polis.
La situation n’est pas si difficile à comprendre. Ces plateformes et d’autres ont pris presque toute la place du marché de la publicité numérique — avec des stratégies peu équitables. Leur prépondérance force tous les médias à les utiliser pour garder un contact avec leurs lecteurs dans un monde de plus en plus numérique. Elles ont maintenant le pouvoir de couper ce contact et d’étouffer des entreprises qui se débattent pour survivre.
Vous le savez déjà, les journaux ne vont pas très bien au Canada ou ailleurs. L’art de suivre l’actualité est de moins en moins prisé, de moins en moins rentable. Le Voyageur a résisté plus longtemps que d’autres, mais le vent est en train de tourner. Si Google et Meta mettent leur menace à exécution, les conséquences pourraient être graves pour les petits médias.
Mais comment s’en détacher? Pour certaines personnes, Facebook EST internet. Tout le monde est coupable d’avoir cliqué au moins une fois sur le pouce bleu après avoir lu seulement un titre, sans avoir visité le site original et lu le texte qui est beaucoup plus nuancé qu’un titre écrit pour attirer l’attention. Vous savez quoi? Facebook veut vous enlever ce droit de choisir de ne pas lire!
Le Voyageur caresse depuis plusieurs années le rêve d’être moins dépendant des réseaux sociaux, surtout de Facebook. Mais la tâche est complexe et colossale, surtout lorsque l’on n’a aucune minute ou dollar supplémentaire pour développer ce genre de projet et déployer les technologies nécessaires. Si les grands médias n’ont pas trouvé la recette magique, c’est parce qu’elle n’est pas simple. En fait, elle n’existe pas.
Parce qu’une partie de la solution, ce sont les lecteurs qui la détiennent. Eux seuls peuvent faire l’effort de rejeter la simplicité de surface que présentent les réseaux sociaux et les vidéos de chats pour choisir de cliquer sur un texte concernant l’anniversaire d’une institution francophone de leur communauté ou un débat important sur l’éducation en français.
Au Voyageur, nous avons toujours tenté d’éviter cette simplicité. Nous désirons rester un média sérieux et crédible, attaché à son territoire et à sa langue. Ça n’a jamais été Facebook et les autres réseaux sociaux qui nous ont permis de le faire. Ils nous mettent plutôt des bâtons dans les roues.
L’ironie dans tout cela, c’est que Le Voyageur n’existe pas en ce moment pour le projet de loi C-18. Nous ne nous qualifions pas en tant qu’organisation journalistique canadienne qualifiée au sens de la loi parce que nous n’avons pas les moyens d’embaucher deux journalistes à temps plein — ce n’est pas clair si un directeur de l’information compte.
C-18 n’est donc pas parfaite non plus. Nous ne toucherons peut-être pas de redevance. Nous devons espérer que notre réseau national pourra négocier notre inclusion d’une façon ou d’une autre — ce qu’il est en train de faire.
Mais il est possible que nous subissions quand même les conséquences de la censure des géants du web. En fait, Facebook diminue la portée des pages d’entreprises comme la nôtre pour nous forcer à acheter de la publicité pour rejoindre les gens qui ont, pourtant, choisi de nous suivre.
Donc, avant que nous disparaissions de gré ou de force de Facebook, avant que Google n’affiche plus nos textes sur l’Université de Sudbury si vous les cherchez, vous avez quand même la chance de garder contact avec nous. Ce rêve que nous caressons depuis longtemps, certaines parties sont déjà en place. En vous abonnant au journal ou simplement à notre infolettre gratuite, vous ferez partie de la résistance, celle qui fait fi du pouvoir de Meta et de Google sur nos vies.
Et comme nous, vous pourrez dire : va ch!3$ Meta.