le Mercredi 23 avril 2025
le Mercredi 12 juillet 2023 10:19 Éditorial

Que s’est-il passé dans le dossier de l’UdeS?

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Éditorial — Plusieurs mystères et questions restent en suspend après l'annonce du gouvernement de l'Ontario...
Que s’est-il passé dans le dossier de l’UdeS?
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Il y a maintenant plus d’une semaine, le ministère des Collèges et Universités de l’Ontario annonçait qu’il ne financerait pas l’Université de Sudbury (UdeS). La plus ancienne université du Nord de l’Ontario a dû cesser ses activités quand, en 2019, l’Université Laurentienne, au bord de la faillite, a démantelé la fédération qui lui a donné naissance. Depuis, l’UdeS s’est déconfessionnalisée et veut devenir l’université de langue française du Moyen-Nord. Pour ce faire, elle a besoin d’un financement provincial.

Pour obtenir ce financement, l’UdeS a dû soumettre un plan d’affaires au gouvernement l’été dernier. Elle a aussi commandité une étude d’impact économique qui démontre qu’elle génèrerait des retombées économiques de quelque 90 millions $ en 2029 dans le Moyen-Nord.

Depuis, l’université et son partenaire de négociation, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), ont eu quelques discussions avec le ministère. Mais il semblerait que les fonctionnaires aient posé peu de questions et n’aient jamais soulevé d’objections quant aux sujets fondamentaux du plan d’affaires, comme les finances, la programmation académique, les inscriptions prévues. Ils n’ont jamais non plus demandé de modifications au plan. Quant à leur processus d’évaluation de la demande, ils sont restés vagues, autant auprès de l’Université que des journalistes. 

Malgré ou peut-être à cause de ce manque de précision, les dirigeants de l’Université et de l’AFO demeuraient optimistes. Peut-être avec raison puisqu’en décembre dernier, la ministre des Collèges et Universités, Jill Dunlop, aurait dit à un responsable de l’AFO qu’elle ne voyait rien dans le plan d’affaires qui motiverait un refus. 

Alors, que s’est-il passé depuis?  

D’abord, un changement majeur dans la hiérarchie du ministère. Deux semaines avant l’annonce du refus, un nouveau sous-ministre prenait la barre. On dit qu’il ne connait rien à la réalité franco-ontarienne. On peut facilement imaginer un carriériste qui arrive en poste et voit un dossier qui traine depuis bientôt un an. Il dit à sa gang, «réglez-moi ça». Un refus est évidemment la façon la plus facile de régler une question rapidement. 

Fait intéressant d’ailleurs, la lettre de refus du ministère — qui n’est qu’un charabia de haute voltige bureaucratique — est datée et signée par un sous-ministre adjoint qui en était à sa dernière journée de travail avant de prendre sa retraite.

Est-ce que les deux premières années d’inscription à l’Université de l’Ontario français — qui a très peu d’étudiants provenant de l’Ontario — effraient le ministère?

On pourrait aussi se demander si le refus n’a pas été motivé par des interventions d’autres acteurs du secteur postsecondaire. On sait que l’Université Laurentienne voit d’un mauvais œil la création d’une université de langue française sur son campus. On sait aussi que certains de ses dirigeants ont tenté de mettre des bâtons dans les roues de ce projet. On a vu des courriels.

Qu’en est-il des autres universités bilingues ou de langue française? Elles y voient peut-être un concurrent pour des étudiants francophones? Et que penser du Collège Boréal, qui vient d’obtenir le financement pour un baccalauréat en sciences infirmières et du financement pour élaborer d’autres programmes de baccalauréat? Ces institutions ont-elles fait des pressions en coulisse? 

Petit à-côté ironique : le ministère avance que les programmes de l’UdeS sont trop similaires à ceux des autres universités de langue française. Pourtant, il vient d’approuver un nouveau baccalauréat en sciences infirmières en français dans une ville où il y en a déjà un. Il est vrai que nous avons un grand besoin d’infirmières et d’infirmiers (mieux payées), mais ça met du plomb dans l’aile de l’argument qu’il y a un programme similaire… à 500 kilomètres.

Tout comme vous, nous aimerions bien connaitre les réponses à toutes ces questions et bien d’autres. En attendant que quelqu’un ose parler, il ne faut pas baisser les bras et faire comprendre au gouvernement que cette décision n’est rien d’autre qu’une condamnation à l’assimilation et à l’exode de nos jeunes.