D’abord quelques chiffres : 55 % des répondants canadiens croient que les médias traditionnels manipulent l’information; 36 % pensent qu’on a étouffé la vérité sur l’assassinat du président américain John F. Kennedy; 34 % sont certains que les scientifiques ont trouvé comment guérir le cancer, mais que le gouvernement et les compagnies pharmaceutiques cachent cette découverte; 33 % croient que les gouvernements mentent au sujet des vaccins; 19 % que le féminisme est une stratégie planifiée pour donner le contrôle du monde aux femmes et, si celle-là ne vous fait pas rire la prochaine le fera, 5 % des Canadiens croient que la terre est plate.
Il y a encore plus de théories complotistes recensées dans ce sondage, mais ce qui ressort de tout ça, c’est que les Américains sont de 10 à 20 % plus crédules que les Canadiens, selon la théorie. Et ce qui est plus dangereux, les conservateurs canadiens sont aussi sinon plus crédules que la moyenne des Américains. Par exemple, 17 % des Canadiens en général croient que l’élection américaine de 2020 à été truquée et donc volée à Donald Trump. Mais chez les conservateurs, ce pourcentage passe à 33 %.
Et c’est là que l’on comprend le jeu du leadeur conservateur, Pierre Poilièvre, qui n’a jamais été gêné par la vérité. Dans le gouvernement de Stephen Harper, il s’était spécialisé dans les attaques partisanes. Depuis sa campagne au leadeurship conservateur, il a ajouté une autre corde à son arc : il profère maintenant n’importe quelle ineptie complotiste pour détruire le respect des Canadiens pour leurs instances règlementaires.
Il a appuyé les camionneurs complotistes qui ont envahi les abords du Parlement canadien pendant quelque trois semaines en 2022. Souvenez-vous que ces survoltés du klaxon voulaient que la gouverneure-générale abolisse le Parlement. L’ironie dans ça, c’est que Poilièvre aurait perdu la seule job qu’il ait eue dans sa vie.
Mais ce n’est pas l’ironie qui arrête ce profiteur de crédulité. Le 23 novembre, il accusait le gouvernement de n’avoir pas su empêcher une explosion «terroriste» au pont Rainbow de Niagara Falls. Or, il reprenait les propos de la chaine américaine Fox News, qui a utilisé ce narratif avant que les autorités n’aient confirmé le motif de l’explosion. Finalement, c’était un accident.
Le danger de ce genre de politicien, c’est qu’il a parfaitement compris les rouages du complot théorique : il suffit d’énoncer une demi-vérité ou même un mensonge et les médias l’amplifieront. Et, comme le sondage Léger le démontre, il y a plein de monde qui le croira. C’est ce que font actuellement Poutine en Russie, Orban en Hongrie, Trump aux États-Unis ainsi que plusieurs politiciens de droite en Europe et en Amérique du Sud.
Espérons que l’électorat canadien ne tombera pas dans ce piège, mais le sondage Léger nous démontre que nous devrions nous inquiéter.