Quand je suis arrivé face à face avec toi il y a quelques semaines, j’ai finalement compris quelque chose.

Je pensais que j’allais être fâché, que je ne pourrais pas empêcher l’explosion de la rage accumulée après les années de haine que vous envoyez vers moi et mes ami∙es. Mais ce qui m’a vraiment frappé c’est à quel point vous étiez toustes tellement tristes.

Des centaines de personnes queers et leurs allié∙es, de toutes les générations et expériences de vie, ont fait front commun contre vous. Plutôt que d’avoir l’air des grands guerriers pour la liberté que vous vous imaginez être, vous étiez faibles, fragiles, incapables d’accepter que vous perdiez une bataille que vous avez commencée.

Votre crise de colère a été amputée par des douzaines de jeunes queers, alignés devant vos mégaphones et vos visages tordus par vos engueulades. Ces jeunes, de leur propre volonté, vous ont démontré exactement qui iels sont. En réponse, vous les avez traités d’enfants de Satan qui méritaient des fessées.

Mais iels ne se sont pas laissé affecter par vos niaiseries; vous avez tenté de leur transmettre de la honte et iels vous ont envoyé promener.

Iels ont été des exemples parfaits de ce qui vous manque : du courage. Iels vous expliquaient de leur propre voix qu’iels n’ont pas besoin de votre «protection», mais vous refusez de les entendre. Comme vous êtes déterminés à faire les sourds, ces jeunes doivent dépendre du soutien de la communauté queer, dont les membres luttent par, pour et avec vos enfants parce que vous n’avez pas le courage de le faire vous-mêmes.

Ces enfants ne sont pas victimes de recrutement, de conversion, de corruption, de lavage de cerveau ou de wokisme. Leur identité queer leur appartient déjà et iels se retrouvent dans des situations où leurs émotions et expériences sont rejetées, ignorées ou couvertes de honte. La communauté queer comprend trop bien ces sentiments.

Ses membres se souviennent ce que c’est d’être jeunes dans une ville — dans un monde — qui ne leur appartient pas. Iels ont toustes grandis avec l’impression que leur existence était fautive, inacceptable, intériorisant chaque commentaire et blague blessants qui suinte de ta yeule.

C’est peut-être difficile à comprendre pour toi, mais personne n’est en train de dire à vos jeunes quoi penser. Iels ont trouvé les mots elleux-mêmes et vous disent exactement ce qu’iels ont de besoin. T’as donc un choix très clair à prendre. Soit que tu les aimes, les encourages, les soutiennes; ou bien tu peux leur transmettre de la honte, les tourmenter, les torturer pour qu’iels cessent d’être qui iels sont.

Mais comment veux-tu que ceci finisse?

Laisse tomber la grande vision vague que tu régurgites. Oublie toutes les «théories» et les buzzwords que t’apprends d’influenceurs extrémistes sur Twitter. Concrètement, quel est ton but ultime? Quand est-ce que les enfants seront suffisamment protégés? Qui devra-t-on faire taire et censurer en cours de route? Combien d’entre-nous devrons être reconduits dans nos placards avant que tu ne sois satisfait∙e?

Pendant la manifestation, une femme portant une pancarte qui lisait «Laissez nos enfants tranquilles» a passé droit devant les centaines de contremanifestants. Elle trainait sa jeune fille avec elle, habillée toute en noir, pas beaucoup plus jeune que les douzaines de jeunes qui voulaient se faire entendre. Malgré nos couleurs arc-en-ciel, la musique forte et l’ambiance festive, elle n’a pas levé les yeux. Au lieu de la laisser tranquille, de la laisser profiter de sa jeunesse, sa mère la transforme en une arme pour votre cause et en bouclier derrière lequel vous pouvez cacher votre haine.

Je me demande ce que t’as raconté à la fillette. Pourquoi tu ne la laisses pas tranquille, elle? Est-ce que tu la «groom» pour nous haïr? Quand vas-tu commencer à l’encourager à piétiner sur des drapeaux? Quand va-t-elle commencer à se haïr ? 

Tu devrais célébrer que tes enfants soient né∙es dans un monde qui est plus ouvert et tolérant, un monde dans lequel iels peuvent s’exprimer pleinement, un monde dans lequel le plus important est leur bonheur. Au lieu, tu cherches à faire marche arrière, à leur enlever tout le progrès durement gagné, à étouffer leur joie. Tu penses peut-être que tu les protèges, mais tu causes plus de dommage que tu pourrais t’imaginer. 

Je te promets, si tu ne réussis pas à les transformer en adulte paralysé émotionnellement, qu’iels vont t’en vouloir pour le restant de leurs jours. Et j’espère de tout mon cœur qu’aucun de tes enfants ne soit queer — c’est un cadeau que tu ne mérites pas et ta haine est un fardeau qu’iels ne devraient pas avoir à porter.

Alex Tétreault est un artiste de théâtre et un activiste queer basé à Sudbury.