La ville de Sudbury, cette «terre de pierre, de forêts et de froid», comme écrivait autrefois nos poètes et anciens de l’Université Laurentienne, a été le théâtre d’importants mouvements qui ont bouleversé l’histoire sociale, culturelle et politique de l’Ontario français.
Et nul plus que la Laurentienne, cette université bilingue qui fête cette année ses 60 ans : les premiers balbutiements de CANO, cette formation artistique bilingue et révolutionnaire qui nous a donné plusieurs de nos institutions culturelles; la toute première Nuit sur l’étang, cette «folie collective d’un peuple en party» dans l’auditorium de l’Édifice Fraser; la création collective du drapeau franco-ontarien par un intrépide groupe de jeunes étudiants avec un professeur prenant leur café au Grand Salon de l’Université; l’appui collective au Théâtre du Nouvel-Ontario, cette institution qui met en scène des pièces qui nous rassemblent et qui nous ressemblent.
La Laurentienne a une riche tradition comme incubateur du talent de chez nous et d’ailleurs.
La Laurentienne a surtout été un phare lumineux de l’éducation de langue française en Ontario, offrant tout un éventail de programmes qui ont soutenu les ambitions et aspirations de jeunes francophones qui ont marqué notre communauté, notre province, notre pays. Nous sommes de plus la première université bilingue reconnue en vertu de la Loi sur les services en français et parmi les quelques universités qui offrent des programmes en français et bilingues en Ontario.
La nouvelle de la suspension aux admissions de 17 options de programmes à faible inscription, dont 9 de langue française, a fait couler beaucoup d’encre, créant plusieurs remous au cœur de notre communauté. Mais est-ce bien «l’hécatombe» annoncée par certains. Le «déclin de l’offre éducative en Ontario français», affirmé par d’autres?
Il faut bien comprendre que ces suspensions d’admission font partie du cycle naturel de renouvèlement qui se produit dans les universités au fil du temps et que nous continuons à offrir des programmes dans les disciplines qui ont été touchées par cette annonce. La Laurentienne doit se réinventer: nous sommes, après tout, l’institution qui a créé des programmes innovateurs et populaires de langue française, tels Droit et justice, Administration des affaires, Orthophonie et Zoologie.
Il importe également de souligner que les étudiants actuellement inscrits à ces programmes seront en mesure de terminer leurs études et nous travaillerons en étroite collaboration avec eux afin de les appuyer et de leur suggérer toutes les options possibles.
Alors que nous célébrons notre histoire, nous devons également nous tourner vers notre avenir et le prochain 60 ans de la Laurentienne. Notre plan stratégique et notre nouveau plan académique (approuvé en juin dernier) visent le renouvèlement de nos programmes et assure un espace dynamique francophone à la Laurentienne. Nous nous penchons notamment sur l’enrichissement de nos programmes en français ainsi que l’amélioration de la possibilité d’études bilingues. Nos efforts pour faire rayonner la francophonie et assurer l’offre des programmes en français continuent.
Nous comprenons l’anxiété et les craintes de notre communauté. Les francophones de l’Ontario, nous le savons bien, ont historiquement été mis en marge de l’éducation et ont dû livrer de durs combats pour obtenir le droit à l’éducation de langue française : l’abolition du Règlement 17, la crise scolaire de Sturgeon Falls et de Penetanguishene, et les négociations qui ont menés à la création de l’Université de Sudbury et de l’Université Laurentienne — tous font partie de notre histoire et de notre identité linguistique militante.
Avec notre mandat triculturel et notre engagement ferme envers la Francophonie, la Laurentienne alimente la relève, cette prochaine génération de jeunes artistes, juristes, environnementalistes, enseignants, et autres chefs de fil francophones que réclament nos communautés. Ici à la Laurentienne, la langue française prospère.
Vous aurez toujours votre place à la Laurentienne. Nous affirmons notre passion pour notre communauté et pour «la langue de Dalpé et Desbiens» (une variation franco-ontarienne sur «la langue de Molière») et aussi d’Obonsawin, de Mbonimpa et de Gravel, ces luminaires de la Laurentienne, dans toute sa vibrante gamme d’accents.
Vos racines, votre langue, vos acquis seront protégés, valorisés, célébrés. Nous restons ce phare lumineux qui rassemble notre communauté, qui soutient les aspirations de notre jeunesse et qui annonce l’avenir de notre collectivité.
Comme le chantait CANO, nous sommes «aux quatre vents de l’avenir possible».
Robert Haché, PhD, est recteur et vice-chancelier de l’Université Laurentienne à Sudbury.