Bilinguisme inégal
Les lacunes administratives relevées dans l’Examen opérationnel sont trop nombreuses pour être étudiées ici. Certaines relèvent d’un plan stratégique inadapté et non appliqué, d’autres à une prestation de services basés sur les besoins des employés plutôt que ceux des étudiants, des outils informatiques mal ou pas assez utilisés, des structures administratives incohérentes, des processus trop complexes et interreliés, une gestion financière qui manque de rigueur…
Une phrase tirée du rapport présente bien le manque de cohérences d’une structure qui n’a pas su s’adapter : «[L]e Service des finances gère la paie et les [ressources humaines] n’ont pas accès aux renseignements relatifs aux salaires, ce qui est essentiel pour ses opérations».
Attardons-nous plutôt à cette phrase : «Les politiques en matière de bilinguisme et l’absence de télétravail institutionnalisée limitent le bassin de talents de l’UL aux candidats dont les capacités sont insuffisantes.»
Laissons de côté le télétravail pour bien comprendre que la firme de consultant suggère que l’Université s’est peut-être privée des meilleurs employés en raison de ses règles de bilinguismes. Une vieille excuse que les francophones connaissent bien qui sert habituellement à justifier l’embauche d’un anglophone dans un poste désigné bilingue.
Sauf que… Le rapport indique que la politique «n’est pas appliquée de manière uniforme au niveau de l’ensemble de l’Université». Donc, on en fait parfois fi et on s’est tout de même retrouvé avec un manque documenté de compétence. Sans compter que le rapport souligne le manque de rigueur du processus de recrutement, avec des embauches par les hauts dirigeants sans consultation avec les ressources humaines.
Il faut rester réaliste. Un employé du service informatique qui n’a pas besoin d’interagir avec des employés, des professeurs ou des étudiants n’a pas besoin d’être bilingue — ce que le rapport met de l’avant.
Nous pouvons être d’accord avec l’idée d’évaluer correctement quels postes doivent être bilingues et quels postes n’ont pas à l’être. Mais la langue ne réduit pas plus le bassin de candidats que les salaires plus compétitifs ailleurs et à l’atmosphère de travail peu attrayant que dépeint les rapports de Nous Group.
Des Autochtones ont mentionnée la limite que leur impose le bilinguisme, puisqu’il les empêche d’avoir accès à des postes de direction. Une inquiétude légitime.
Ce contentieux autour du bilinguisme démontre bien qu’une université bilingue et triculturelle limite les possibilités d’émancipation de tout le monde. Tant qu’à considérer l’unilinguisme pour atteindre le niveau de compétence recherché, aussi bien avoir trois universités unilingues.
Gouvernance
Il n’y a pas de référence précise au français dans l’Examen de la gouvernance autre que la recommandation d’avoir une représentation au sein du Conseil des gouverneurs (CG) qui tient compte du mandat bilingue et triculturel.
Le rapport confirme les problèmes de gestion perçus de l’extérieur, mais ils touchent aussi bien le CG que le Sénat.
Des membres interrogés affirment avoir fait face à un manque d’information et des prédictions financières «optimistes» qui les ont empêchés de prendre de bonnes décisions. Mais ces accusations sont aussi lancées en direction du Sénat, qui ne fournit pas suffisamment de détails sur les impacts financiers de ses décisions concernant les programmes.
Ainsi, pour qu’une bonne partie des 35 recommandations de la firme Nous Group fonctionnent, il faut que la recommandation de la création d’un secrétariat professionnel et indépendant qui assure un bon échange d’information entre les deux soit mise en place. Pour ce changement et bien d’autres, le gouvernement doit également être engagé afin qu’il modifie la Loi de l’Université Laurentienne de Sudbury.
Considérant la vitesse à laquelle l’École de médecine du Nord de l’Ontario et l’Université de Hearst ont obtenu leur indépendance, cette intervention semble réaliste.
Clubs d’amis
Le rapport sur la gouvernance fait également état d’un manque de critères et de processus de recrutement pour le CG. Les membres du conseil étaient parfois des gens recommandés par la présidence, ce qui semble avoir créé un cercle fermé où la dissension était mal vue. «Plusieurs membres ont noté que le Conseil vote souvent en bloc en limitant au minimum les questions et les débats, de sorte que la présidente ou le président exerce un contrôle disproportionné lors des réunions du Conseil», est-il écrit.
L’autre effet a été de créer un conseil qui n’a pas les compétences pour faire face à certaines de ses responsabilités :
Les compétences et l’expérience des membres actuels ne sont pas suffisantes pour amener l’Université Laurentienne à traverser sa situation actuelle et à aller au-delà. Il existe des lacunes critiques au chapitre de l’expérience en enseignement supérieur, en [technologie de l’information] et en ressources humaines et d’une expertise financière approfondie.
Le Sénat ne s’en tire pas à meilleur compte. Plusieurs membres jugent que les sujets abordés dépassent souvent le mandat du Sénat et, qu’en plus, ces discussions s’éternisent. Certains professeurs s’en serviraient davantage pour partager leur opinion plutôt que de prendre des décisions pour le meilleur intérêt de l’établissement et des étudiants.
Le rapport recommande de faire passer le nombre de postes au CG de 25 à 18 et de 77 à 40 ou 50 pour le Sénat, ce qui est plus près de la norme pour la taille de l’Université Laurentienne.
Pour le Sénat, cette réduction aura aussi pour effet de diminuer le nombre de membres qui font partie de l’administration de l’établissement. Ceux qui ont répondu à l’enquête notent que ces derniers votent toujours «en bloc» pour des résolutions contrairement aux membres du corps professoral. «Cette situation a permis aux représentants de l’administration de contrôler le Sénat, ce qui a suscité l’antagonisme», avance un des répondants.
La leçon
Par voie de communiqué, l’Association des professeures et professeurs de l’Université Laurentienne (APPUL) se dit très déçue du rapport sur la gouvernance. Ils rejettent entre autres l’idée d’un comité de nomination, qui aurait la tâche de choisir les membres du Sénat.
L’APPUL sent que ses commentaires n’ont pas été écoutés. Elle regrette surtout que le rapport ne recommande pas d’inclure un membre du syndicat au CG. Une demande tout à fait raisonnable à nos yeux puisque l’administration a, elle, des sièges au Sénat.
Malgré tout, exception faite de la question du bilinguisme, ces deux rapports avancent des recommandations qui, à première vue, pourraient améliorer la gestion et les opérations de l’Université Laurentienne. Elle représente cependant d’autres dépenses financières qui, puisque la restructuration n’est pas terminée, pourraient être difficiles à faire entrer dans le budget.
Ne manquez rien de ce que nous publions sur le site.
Le Voyageur offre une vue d’ensemble de la francophonie et de la vie dans le Nord-Est de l’Ontario.