«En 2023, c’est devenu un besoin », explique Roxanne Dion-Boudreau, responsable régionale pour l’Est ontarien à l’organisme de soutien aux aidants naturels de l’Ontario (OSANO), qui couvre la région d’Ajax à Hawkesbury.
Mme Dion-Boudreau animait, le 22 février, un webinaire sur le soutien aux personnes aidantes, présenté par la Fédération des aînés et des retraités francophones de l’Ontario (FARFO), dans le cadre de sa programmation contre la maltraitance des aînés.
De l’argent avant le répit
Mouminatou Kanté, de Cornwall, participait à ce webinaire. Au décès de sa mère, dont elle était proche aidante, Mme Kanté a pensé au volontariat pour poursuivre ce travail auprès des personnes aînées. À la suggestion d’une amie, elle a suivi une formation d’aide-soignante et a fondé MOM’s PSW.
Elle connaît bien la réalité des aidants et les pressions, en temps et en argent, qu’elle exerce.
Mouminatou Kanté expose d’emblée deux sources de stress : d’abord, la difficulté d’occuper un emploi à plein temps tout en prenant soin adéquatement de quelqu’un. Ensuite, celle de payer une personne aide-soignante pour aider, «parce que ça fait une différence de voir quelqu’un qui prend la relève», et ce, tant pour la personne aidée que pour la personne aidante, soutient-elle.
Selon le rapport Plein feux de l’OSANO, une personne aidante naturelle sur trois craint de perdre son emploi en raison de ses responsabilités d’aidance naturelle. Près de deux tiers des personnes aidantes naturelles occupent un emploi. De ce nombre, 37 % envisagent de réduire leurs heures de travail et 30 % de quitter leur emploi.
«Y a-t-il un petit financement pour les aider», demande Mouminatou Kanté?
Écrasante culpabilité
Mouminatou Kanté et France Ayotte, coordonnatrice de Vieillir chez soi à Hearst, soulèvent toutes deux le sentiment de culpabilité qui accable les personnes aidées, qui doivent demander de l’aide, comme les personnes aidantes, qui peuvent avoir besoin de recul.
«Le focus est toujours sur le client (la personne en besoin d’aidance) et souvent on met de côté les besoins des personnes qui donnent de l’aide», explique France Ayotte. Ella l’a souvent observé : la personne qui a besoin d’aide peut connaître un grand sentiment de culpabilité devant l’engagement d’une personne aidante. «Ça devient très lourd», dit-elle. Et vice-versa : ça devient très lourd de prendre du recul pour les proches aidants.
En mode réaction
France Ayotte illustre : «[Les aidants] vont consacrer leur temps libre pour faire quoi ? Courir encore? Payer des bills, faire des commissions? Ça devient difficile.»
Pourtant, le besoin de répit est le besoin principal des proches aidants, même s’il a glissé au 2e rang selon l’étude Pleins Feux de l’OSANA, parue en 2023.
Cependant, France Ayotte constate que les proches aidants ne savent pas toujours quand ni comment demander de l’aide, ni quoi demander. «Ils ne font que réagir, c’est action-réaction, et l’action demande tellement d’énergie qu’ils n’ont pas l’énergie pour prendre un recul et avoir une vue d’ensemble. C’est très difficile de se retirer.»
De ressources
L’encadrement est de prime importance, estime la Hearstéenne. «Sinon, les aidants essaient de frapper à toutes les portes», a-t-elle observé au fil des ans. Elle ajoute : «En venant chez nous, ils sont dirigés. On leur dit où sont les services, on leur dit comment ça fonctionne et comment y accéder. On connait le système, on connait les services!»
«On s’implique auprès d’un couple (aidant aidé) pour aider l’aidant à cheminer. On pose des questions précises et on aborde tout ce qui concerne les composantes de la vie. Avec notre expérience, on peut cibler.»
Roxanne Dion-Boudreau ajoute que l’OSANO partage aussi des ressources : «Tous nos programmes et services sont gratuits et disponibles en anglais et en français, certains services et ressources étant également disponibles dans d’autres langues».
De plus, à Hearst, Vieillir chez soi présente, depuis 2012, avec le Collège Boréal, une formation de 3 heures – la première postpandémie l’est en ce 28 février – «pour leur apprendre à reconnaitre leur rôle et plus comprendre ce qui est attendu d’eux autres.»
«Tout le monde le sait, les besoins sont grands et les défis sont gros», rappelle Mouminatou Kanté. «C’est ce qui m’a poussé à m’impliquer.» Mais les formations, ce n’est pas toute la solution, estime-t-elle. Il faut aussi financer les services. Et France Ayotte est d’accord. «Ça fait des années que, rapport après rapport, on dit qu’il y a pénurie de personnel.» Il faut mettre l’argent ailleurs, estime-t-elle. «Y a-t-il un plan concret pour donner un petit répit aux proches aidants», soulève à son tour Mouminatou Kanté.
Selon le rapport Plein feux de l’OSANO, les personnes aidantes du Nord de l’Ontario sont les plus susceptibles de se trouver dans une situation d’aidance naturelle intense. «Plus d’un tiers (37 %) fournissent des soins pendant moins de 10 heures par semaine, mais un tiers (31 %) sont également des personnes aidantes naturelles intensives, fournissant des soins pendant 10 heures et plus», peut-on lire dans l’édition 2022 de ce rapport annuel.
- Qui sont les aidants : 51 % des femmes, 48 % des hommes.
- Qui sont les aidés dans le Nord : un partenaire (22 %), un ami ou un voisin (12 %), un enfant (15 %)
- 41 % des aidants aidés résident sous un même toit.
Quels sont les besoins : vieillesse (56 %) et problèmes cognitifs comme la maladie d’Alzheimer ou le trouble neurocognitif (26 %), affections physiques (33 %) ou problèmes cardiovasculaires (21 %).