Ce n’est pas que l’emploi qui compte, lorsqu’une personne s’installe dans une nouvelle ville, dans un nouveau pays, fait valoir Jean-Paul Kalwahali, agent de projet du Réseau du Nord. «La vie sociale compte», précise-t-il.
Il en parle en connaissance de cause, puisqu’en sa qualité d’immigrant, lui aussi a profité des événements organisés par le projet Communauté francophone accueillante (CFA) à Sudbury, où il est établi depuis deux ans.
Jean-Paul Kalwahali avait donné son adresse courriel à la coordination locale. «Comme ça, dès qu’il y a des activités dans la communauté, je peux y participer», poursuit-il. Son intégration s’est ainsi avérée plus fluide, dit-il. «Ce qui est difficile souvent pour les nouveaux arrivants : c’est de connaitre qu’est-ce qui est à leur portée.»
Sudbury faisait déjà partie des 14 CFA, nommées par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) en 2018. Ces collectivités ont profité de moyens financiers pour assurer la bonne intégration de nouveaux arrivants francophones. Aujourd’hui, 10 autres collectivités s’ajoutent à la liste, leur objectif étant «de renforcer les liens communautaires, favoriser l’intégration des nouveaux arrivants, et enrichir la diversité locale», expliquait, dans un communiqué diffusé le 14 aout, le Réseau du Nord, organisme de soutien à l’immigration qui a appuyé la candidature de la nouvelle CFA du district de Cochrane.
C’est le but des CFA, décrit Jean-Paul Kalwahali : «C’est de faire en sorte que les gens s’intègrent et puissent rester. […] Et il est souvent difficile de rester à un endroit si on ne s’est pas mis en contact avec la culture locale.»
«C’est un projet porté par la communauté et c’est fait pour la communauté», insiste l’agent de projets.
Une communauté francophone accueillante :
- Compte déjà des immigrants francophones
- Offre des services en langue française
- a besoin d’attirer et de retenir de nouveaux arrivants d’expression française
- Souhaite s’engager dans le projet
- Est à échelle humaine
Des bases déjà jetées
Plusieurs organisations du district de Cochrane travaillent déjà à l’intégration de nouveaux arrivants – les services d’établissement, la Société économique de l’Ontario, le Collège Boréal et l’Université de Hearst, pour en nommer quelques-unes.
«On a eu un appui communautaire vraiment conséquent», a constaté Jean-Paul Kalwahali lorsqu’est venu le temps de déposer la demande de désignation à l’initiative des CFA. Aujourd’hui, «tout le monde se précipite pour savoir c’est quoi les prochaines étapes», ajoute-t-il en riant.
Dans les prochains mois, la région devra constituer un Conseil consultatif communautaire, rédiger un plan communautaire en fonction des besoins et signer une entente avec IRCC. La mise en œuvre de la CFA viendra à l’hiver ou au printemps prochain, selon Jean-Paul Kalwahali.
Un siège à Kapuskasing
Le siège de la Communauté francophone accueillante du district de Cochrane sera à Kapuskasing, où le Réseau du Nord a un bureau satellite. Jean-Paul Kalwahali insiste sur le positionnement central de la ville par rapport au district, mais réitère que «le projet, c’est vraiment de Hearst à Matheson.»
«Entre municipalités, on a de très bonnes relations, on travaille très bien ensemble; on a une vision partagée qui est la croissance de la région», fait valoir la mairesse de Timmins, Michelle Boileau. Elle cite divers services régionaux, dont les sièges sont à Timmins : le Bureau de santé publique, les services d’établissement, les conseils scolaires.
Elle croit que cette approche régionale a été salutaire, puisqu’à elle seule, Timmins n’aurait peut-être pas pu être une CFA, à cause du poids démographique des francophones. Lors du recensement de 2021, la moitié de la population de Timmins a déclaré connaitre le français, tandis que pour l’ensemble du district, il s’élève à 54 %.
Mission : embaucher, loger et croitre
Michelle Boileau espère aussi que la nouvelle incitera les employeurs à se tourner vers une main-d’œuvre issue de l’immigration. La communauté d’affaires de Timmins hésite à embaucher des francophones moins à l’aise en anglais, a-t-elle constaté. «J’aimerais pouvoir offrir des ressources pour faciliter l’embauche des immigrants francophones dans la région.» Elle reconnait, néanmoins, qu’un «certain niveau de compétence linguistique en anglais» est nécessaire pour travailler dans la ville au cœur d’or.
À Hearst, le maire Roger Sigouin voit aussi le projet d’un bon œil pour la région : «C’est bon pour Timmins, c’est bon pour Kapuskasing», commente-t-il. Cependant, pour que Hearst profite de l’initiative, la crise du logement devra se résorber. À Hearst, où la population s’élevait à 4800 personnes en 2021, «on a besoin de 60 logements, c’est le minimum», illustre-t-il.
Michelle Boileau espère aussi que le nombre de résidents permanents croitra grâce à la CFA, notamment pour contrer le recul du poids démographique des francophones à Timmins. «C’est sûr que n’importe quelle croissance parmi la communauté francophone à Timmins sera positive, puis sera perçue comme une réussite.»
«Une présence de minorités visibles à la hausse»
Jean-Paul Kalwahali se montre confiant, exemple de Sudbury à l’appui : «Les nouveaux arrivants ne savaient pas où c’était, Sudbury. Vraiment, ce projet vient mettre une flèche sur les Communautés francophones accueillantes.»
Roger Sigouin ne dispose pas de statistiques, mais il constate une présence de minorités visibles à la hausse, dans «ce milieu traditionnellement très blanc». Il le voit au supermarché, dans les magasins de vente au détail ou les restaurants et au foyer de personnes âgées. «Je veux dire franchement : on les voit marcher partout en ville, il y en a beaucoup. C’est une chance de les avoir.»
Cependant, la réussite du programme ne se mesurera pas en nombre, selon Michelle Boileau. «Il y a des mesures qualitatives à considérer : le niveau d’intégration de la personne et son épanouissement. Ces choses sont difficiles à quantifier, mais on espère que quand les immigrants francophones arrivent à Timmins, ils se voient chez eux.»