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Le Vatican pourrait reconnaitre une première sainte d’origine acadienne

Charlene Richard à l’âge de 9 ans. L’enfant qui voulait être une sainte  — Photo : Courtoisie Warren Perrin
Charlene Richard à l’âge de 9 ans. L’enfant qui voulait être une sainte
Photo : Courtoisie Warren Perrin
Chaque année, à Richard, petit village de quelques centaines d’âmes près de Lafayette, en Louisiane, convergent environ 10 000 personnes. Ce ne sont pas des touristes. Ils viennent se recueillir sur la tombe d’une jeune Cadienne, morte à l’âge de 12 ans, à laquelle ils vouent une dévotion : Charlene Richard.
Le Vatican pourrait reconnaitre une première sainte d’origine acadienne
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En Louisiane, elle est surnommée la «Little Cajun Saint» (la sainte petite Cadienne). Charlene Richard pourrait devenir la première personne d’ascendance acadienne à être déclarée sainte par l’Église catholique. Son dossier est à l’étude à Rome depuis l’hiver dernier.

Or, ne devient pas saint qui veut; le procès de canonisation n’est pas de tout repos.

L’histoire de Charlene Richard est loin d’être anodine. Elle est née le 13 janvier 1947 à Pointe-à-l’Église (Church Point), un établissement fondé sur les rives du bayou Plaquemine Brûlé par les descendants des familles acadiennes arrivées en Louisiane au XVIIIe siècle.

Plus qu’une famille acadienne du nom de Richard a trouvé une nouvelle vie en Louisiane; Charlene et le chanteur Zachary Richard descendent du même couple pionnier, Pierre Richard et Marguerite Dugas. Zachary Richard est le cousin au sixième degré du père de Charlene, Elvin Richard.

Charlene était la deuxième de dix enfants de Joseph Elvin Richard et de Mary Alice Matt Bourgeois. Alors qu’elle est en 2e année, elle et sa famille déménagent à Richard, petite localité nommée en l’honneur de cette famille acadienne et qui est située à quelques kilomètres au nord-ouest de Pointe-à-l’Église.

Charlene faisait partie de cette génération de Cadiens et de Cadiennes à qui on interdisait – souvent par la force – de parler français à l’école. Mais Charlene le parlait à la maison. Son père ne comprenait pas l’anglais.

La religion prend beaucoup de place dans la vie de Charlene dès son jeune âge. Elle connaissait son rosaire par cœur à l’âge de 7 ans et le récitait tous les soirs près d’un petit autel qu’elle avait aménagé dans sa chambre. Sur la table à côté reposaient une bible et un crucifix.

Sainte Thérèse de Lisieux a été l’inspiration de la jeune Charlene Richard 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Inspirée par une sainte

Un jour, son enseignante lui donne une photo de sainte Thérèse de Lisieux, religieuse française morte de la tuberculose à l’âge de 24 ans à la fin du XIXe siècle. À compter de ce moment, Charlene déclare vouloir devenir sainte.

À 12 ans, elle a une vision d’une femme, ou d’une silhouette ressemblant à une femme, près d’un chêne, toute de noir vêtue. Un bonnet noir couvrait son visage. Ses yeux, même couverts, brulaient la peau de Charlene. 

Cette dernière lui a demandé en criant : «Au nom de Dieu, que voulez-vous?» La mystérieuse femme s’est alors volatilisée. Charlene dira l’avoir revue le lendemain.

Peu après cette «rencontre», des bleus commencent à apparaitre sur le corps de Charlene. Elle a mal à une hanche et a des saignements de l’intestin, au point de s’évanouir à quelques reprises. 

On lui fait subir des tests. Les médecins informent ses parents qu’elle souffre de leucémie avancée. Elle n’a qu’environ deux semaines à vivre. On l’hospitalise à Lafayette.

Les derniers moments de la vie de la jeune fille seront une véritable agonie. Mais on dit qu’elle ne s’est jamais plainte et acceptait son sort avec sérénité.

L’aumônier de l’hôpital, le père Joseph Brennan, l’accompagne quotidiennement dans son pénible parcours. Il lui apprend la doctrine de la «souffrance rédemptrice». En gros, c’est la croyance selon laquelle l’acceptation de la souffrance peut servir à guérir ou à sauver d’autres personnes. 

Chaque jour, le prêtre et Charlene choisissent une personne souffrante pour faire l’objet des prières de la jeune Cadienne.

Une cérémonie religieuse a eu lieu pour bénir les documents soumis à Rome pour l’enquête sur la canonisation de Charlene Richard

Photo : Courtoisie Warren Perrin

Guérisons et prières répondues

Un autre prêtre, Floyd Calais, ami du père Brennan, dira plus tard que certaines personnes pour lesquelles Charlene avait prié lorsqu’elle était mourante ont été guéries ou se sont converties au catholicisme. Une religieuse également présente à l’hôpital, sœur Theresita Crowley, a fait le même témoignage. 

Charlene meurt le 11 aout 1959 et est enterrée dans sa localité de Richard.

De plus en plus de gens affluent vers sa tombe. En 1975, une publication du diocèse de Lafayette faisant état des faveurs obtenues par la dévotion envers la défunte contribue à étendre sa renommée à l’extérieur de la région.

Quelques années plus tard, des centaines de personnes par semaine visitent sa tombe, qui est illuminée le soir afin d’y accueillir aisément les fidèles. 

En 1989, une messe organisée par les pères Brennan et Calais y est célébrée pour souligner le 30e anniversaire de la mort de Charlene Richard. Environ 4000 personnes assistent à la cérémonie, qui est diffusée par la télévision locale. Des articles sont publiés dans plusieurs journaux.

L’histoire de Charlene Richard se propage à l’extérieur de la Louisiane. Les demandes pour sa canonisation se multiplient. 

Une fondation – «Friends of Charlene» – se forme pour piloter le projet. Celle-ci reçoit et compile les dizaines de lettres de témoignage des guérisons inexpliquées et des faveurs rendues attribuées à l’intercession de Charlene.

Les efforts de canonisation exigent aussi beaucoup d’argent. En 2002, Michael Mouton, un homme d’affaires de Lafayette, offre un million de dollars pour la cause. Il dit avoir eu une vision de Charlene se tenant debout au pied de son lit alors qu’il était sous anesthésie lors de son opération à cœur ouvert.

Chaque année, environ 10 000 personnes viennent se recueillir sur la tombe de Charlene Richard près de l’église Saint Edward, située en bordure de la route Charlene

Photo : Courtoisie Warren Perrin

Le diocèse de Lafayette se lance

En 2007, l’évêque de Lafayette, Mgr Jarrell, accepte d’ouvrir une enquête de canonisation pour Charlene Richard, mais elle n’aboutit pas.

Il faudra attendre 2019 et un nouvel évêque, en la personne de Mgr Douglas Deshotel, pour raviver la démarche. Deux ans plus tard, il décide d’entamer officiellement le processus en désignant Charlene Richard «servante de Dieu».

Quatre autres années seront nécessaires pour mener à terme l’enquête du diocèse et  passer à la prochaine étape. Celle-ci a été franchie en janvier 2024, alors que Mgr Deshotel a «clos» le processus diocésain par une cérémonie religieuse lors de laquelle les documents devant servir à prouver la sainteté de Charlene ont été bénis.

Plus tard ce mois-là, les documents – plus de 1000 – prennent le chemin de Rome pour être remis au «Dicastère pour la cause des Saints». C’est cette instance qui décidera si la candidature à la sainteté sera soumise au pape. 

Mais ce n’est pas la fin, loin de là. Le pape, s’il accepte la recommandation, déclarera Charlene Richard «vénérable». La reconnaissance d’un miracle est alors nécessaire pour qu’elle soit déclarée «bienheureuse». Un deuxième miracle conduira finalement à la sainteté.

On en est là. Difficile de dire combien de temps prendront les prochaines étapes. Mais pour bien des Cadiens et Cadiennes de la Louisiane, Charlene est sainte depuis déjà longtemps.