Le 6 décembre, les bénévoles travaillaient à «remplir les trous avec la neige qu’on a. Et puis aussi taper la neige pour que le gel puisse faire son travail. À ce temps-ci, on pense à la longévité de l’hiver.» Plus les sentiers sont profondément gelés, plus la base des sentiers restera longtemps favorable le printemps venu. «Il faut que la gelée descende vraiment dans la terre.»
«On a souvent de la neige tôt et ça isole le sol. À ce moment-là, on a de la misère à faire geler les marécages. Cette année, jusqu’à date, ça va bien. Nos croisées, nos rivières, tout ça gèle bien. On a de la belle glace, c’est pas plein de gibelotte ou de slush.»
Le bénévole s’attendait, le 6 décembre, à une ouverture des sentiers tout juste avant Noël. «C’est sûr que ça dépend si on a de la neige ou pas.»
Une saison plus longue, vraiment
«Si on peut les ouvrir avant, tant mieux. Mais en général, c’est pas mal dans la semaine entre Noël et le jour de l’An qu’on voit le plus ouvrir des sentiers», dit-il. Et l’achalandage suit : la période des Fêtes est un moment où les sentiers sont le plus achalandés dans le Corridor du Nord.
Et c’est généralement la région qui ouvre le plus tôt ses sentiers et qui les ferme en dernier, même si la différence n’est que de quelques jours.
La saison 2022-2023 aura duré 11 semaines, en moyenne, en Ontario, avec des extrêmes d’une seule semaine dans le sud-ouest de l’Ontario et de 18 semaines dans le corridor du Nord. La moyenne d’ouverture des sentiers se chiffre, dans les secteurs du Nord, à 17 semaines, pas loin derrière la région de Cochrane à Greenstone.
«En octobre, au salon de la motoneige de Toronto, on est le kiosque qui est le plus achalandé», a constaté le bénévole. D’ailleurs, 35,6 % des répondants à l’étude menée en 2023 par la Ontario Federation of Snowmobile Clubs (OFSC) affirment pratiquer la motoneige dans le Nord, soit dans l’axe Mattawa-North Bay jusqu’à la frontière du Manitoba.
«On n’est pas la place la plus populaire dans la province parce qu’on est trop loin, explique Michel Garon. Mais on a le meilleur produit de sentiers de motoneige. Ça, c’est sûr et certain qu’il y a personne qui fait mieux que nous. Mais c’est difficile à garder ce rythme-là, cette qualité-là avec un groupe [de bénévoles] qui rapetisse.»
Des bénévoles
En Ontario, en 2022-2023, il a fallu 480 000 heures de bénévolat au sein des clubs de motoneige pour ouvrir et faire fonctionner les sentiers.
Et ici comme dans les autres secteurs, la covid a révélé que le nombre de bénévoles est en chute libre. «Il n’y a personne qui pousse dans le dos des bénévoles pour prendre leur place, illustre Michel Garon. On a des gens qui le font, ça fait longtemps. Ils le font parce qu’ils aiment ça, mais ils sont fatigués.»
Le phénomène du travail minier par navette (fly-in, fly-out) a aussi une incidence sur la relève.
Du côté de Thunder Bay, «à cause du terrain qu’ils ont, puis à cause du lac Supérieur, les effets de lac, les conditions ne sont pas aussi stables qu’elles sont [dans le Corridor du Nord], indique le bénévole Michel Garon.
«Il y avait un sentier déjà qui longeait au nord du lac Supérieur le long de la route 17, qui était le plus beau sentier du monde, à cause du lac et du terrain montagneux et rocheux. Il n’y avait pas assez de neige. Le marché de la motoneige est tombé parce qu’ils ne pouvaient pas offrir le produit tout l’hiver.»
«Quand tu te promènes en motoneige en Gaspésie, tu vois le fleuve Saint-Laurent, ou la baie des Chaleurs, des paquebots, des montagnes, c’est sûr que c’est de toute beauté. Mais le sentier de motoneige n’est pas mieux qu’ici. On est chanceux, on est loin. Tu sais, tu peux partir de Kapuskasing jusqu’à Hearst, et tu rencontres quatre motoneiges en y allant.
«Muskoka, c’est comme la 400 ou la 401. Ici, c’est comme un chemin de campagne.»
Le bénévole de l’année pour le Corridor du Nord, d’ailleurs, est un opérateur de dameuse de Moonbeam âgé de 88 ans : Jean-Claude Lebrun.
Dans de nombreux villages, les clubs ont fermé au cours des 20, 25 dernières années et les bénévoles doivent assurer l’entretien d’un réseau qui comprend des centaines de kilomètres. «Ça compromet le réseau, certainement. Ça fait de grands trous. C’est notre plus gros problème», dit-il.
«Dans les villages, c’est comme une équipe de hockey. Dans la première ligne, ils sont extrêmement bons, mais il n’y a personne pour les remplacer de temps en temps. Ça ne marche pas, ça prend une relève.»
Il cite l’exemple des clubs d’Opasatika et de Val Rita-Harty. Le club d’Opasatika a fermé et les Grondeurs de Val Rita ont pris la relève. Ils étaient trois l’année dernière, ils ne sont plus que deux.
«On n’a pas le choix, il faut que Kapuskasing s’occupe de surfacer jusqu’à Opasatika, mais des fois tu étires la pâte un peu, mais à un moment donné, ça fait un trou.»
À certains endroits, des opérateurs ont été engagés pour assurer la connexion de l’ensemble des sentiers, mais la solution n’est pas viable à long terme.
«C’est pas encore rendu au point où ce qu’on aura des surfaceuses qui se conduisent toutes seules. On n’est pas là encore. Pas tout à fait, pas tout à fait encore.»