La construction identitaire et l’acquisition de la langue débutent dès le plus jeune âge et continuent tout au long de notre vie. Poser des bases solides dès la petite enfance est donc primordial.
Au sein de notre structure, à la Place des tout-petits, c’est un enjeu quotidien. Nous mettons en place des stratégies incluant la langue et la culture francophone pour ouvrir et éveiller les enfants. Ceci passe, dans un premier temps, par le choix des mots que nous utilisons, le choix de la langue, mais aussi par notre programmation.
Les livres, les échanges et les chansons en français font partie de notre quotidien : nous parlons beaucoup, nous nommons tout ce qui nous entoure, nous commentons nos actes. Ceci est fait pour apporter un vocabulaire riche et varié aux enfants, pour qu’à leur tour, ils puissent l’utiliser.
Partage des cultures
J’ai quitté la France pour venir au Canada en 2019. À mon arrivée, j’ai eu un fort questionnement concernant ma façon de parler, l’utilisation des mots, qui ne sont pas toujours les mêmes ici, en Ontario, ou en France. Après réflexion et discussion avec mes collègues et même des familles de mon ancien CPE (centre de la petite enfance), j’ai décidé de garder mes mots, mon identité culturelle, tout en adoptant aussi les termes utilisés ici au quotidien.
L’idée était en effet de ne pas gommer mon identité, mais plutôt de la partager et d’en accueillir une autre. Au quotidien, les enfants peuvent donc percevoir des différences de vocabulaire entre mes mots et les leurs. Par exemple, je parle de pastèque au lieu de melon d’eau, ou encore de chaussures et de chaussettes au lieu de souliers et de bas. C’est amusant de voir les grands me reprendre sur ma façon de nommer une chose, car ils ont appris un autre mot dans leur milieu familial.
Finalement, nous en sortons tous plus riches. Les enfants apprennent un autre terme et moi aussi. C’est un véritable échange, un vrai partage.
Avec les enfants les plus grands, je peux réellement parler de ces différences et je peux leur expliquer que j’ai le droit de garder mon identité et eux la leur, mais que, parfois, nous pouvons utiliser les mots les uns des autres. C’est aussi un apprentissage du respect et des différences.
La langue musicale
Pour promouvoir la langue française en s’amusant, les enfants du regroupement familial ont également la chance d’accueillir chaque semaine Nicole, qui travaille pour l’Orchestre symphonique de Sudbury. Les ateliers EVEIL font partie d’un projet pilote interdisciplinaire d’éducation de la petite enfance et sont à destination des jeunes francophones de la communauté des environs de Sudbury.
Basés sur les résultats de recherches scientifiques montrant l’effet de l’apprentissage de la musique sur le développement des compétences de conscience phonologique (étude menée par Jonathan Bolduc avec le laboratoire MUS-Alpha), les ateliers contiennent un vocabulaire riche et explicite en français qui favorise les perceptions auditives, le développement de la mémoire et les habiletés motrices. Les ateliers sont ludiques et adaptés aux enfants de 0 à 4 ans. Ils apprennent de nouveaux mots grâce aux chansons et aux instruments qu’ils découvrent, ils rencontrent des marionnettes comme par Poustichon le mouton, Berlin le lapin et encore Turlulu la tortue.
Les marionnettes sont un excellent moyen de faire participer les enfants, qui ont parfois un peu d’appréhension à prendre part à certaines activités. Ces petits animaux les attirent et les font participer davantage. Ils s’expriment, jouent avec les mots, s’entrainent à bien prononcer leurs prénoms, ils apprennent sans s’en rendre compte.
La récurrence des chansons fait qu’ils développent leur vocabulaire également. J’aime voir les enfants utiliser les mots présents dans les chansons au quotidien, cela démontre qu’ils arrivent à faire des liens et que leur vocabulaire s’enrichit.
Pour terminer, je souhaite partager une petite anecdote vécue au sein de la Place des tout-petits. Lors d’un atelier musical, un adulte avait utilisé sans s’en rendre compte le terme anglais «so». Immédiatement, un enfant de quatre ans et demi s’est empressé de reprendre l’adulte en lui disant que nous devions dire «donc» et pas «so», car c’était un mot anglais. Nous étions vraiment surpris qu’il fasse aussi bien le lien entre le mot anglais et le mot français.
Plus tard dans la journée, ce petit garçon a pu me dire : «Si on parle en anglais, on va perdre notre langue et notre culture».
Voici les mots très justes d’un enfant de quatre ans et demi, ainsi, comme veut le dire ce petit garçon, pour garder notre langue et notre culture, pratiquons-la chaque jour, amusons- nous avec, faisons-la vivre ensemble au quotidien.