De retour d’un voyage d’affaires et de tourisme en Belgique, j’essaie de comprendre et de classer ce que j’y ai découvert sur le multilinguisme.
La partie «affaires» s’y prêtait bien. Avec trois autres journalistes de notre association nationale de médias francophones, Réseau.Presse, nous avons participé à un colloque international à l’Université de Mons sur l’éducation en langue minoritaire. Nous avons décrit le rôle de nos médias dans les crises scolaires et leur impact ainsi que le fait que nos médias sont le sujet de trop peu d’études et de recherche. On vous en parlera une autre fois.
Avant nous, le professeur de l’Université Simon Fraser, Rémi Léger, donnait un aperçu des batailles juridiques des francophones du Canada pour obtenir le contrôle de leur éducation. Une auditrice européenne lui demande : «Mais pourquoi ne pas avoir des écoles bilingues?»
Vous connaissez comme nous la réponse à cette question pour les Franco-Canadiens convaincus : nous y avons réfléchi, nous l’avons testé et nous avons vu que cette voie mène à l’assimilation. Mais la question reste intéressante, car elle démontre bien la différence d’attitude envers les langues entre nous et eux.
Les frontières
J’ai pu mieux le comprendre pendant le reste de mon séjour. Premièrement, sachez que le bilinguisme en Belgique est différent de celui au Canada : il est territorial. La langue officielle du Nord du pays est le néerlandais, aussi appelé flamand dans le pays. La langue officielle au sud est le français. Seule la capitale, Bruxelles, est officiellement bilingue.
Malgré cela, bon nombre de résidents, des deux côtés, parlent plus d’une langue. L’organisateur du colloque était un Espagnol qui enseigne en français dans une université de langue française. Nous y avons rencontré un Québécois qui a appris le catalan et l’espagnol; un Allemand qui a travaillé au Canada et qui parle au moins nos deux langues officielles en plus de sa langue maternelle; une étudiante de l’Amérique du Sud qui a présenté, en français, une étude sur l’enseignement de l’espagnol dans les pays portugais du continent. J’ai jasé en anglais avec un flamand propriétaire d’une auberge. J’ai été servi dans un hôtel par une Slovène qui parlait anglais et français…
Un saut du côté flamand de la Belgique a été tout aussi facile. Les lieux touristiques ne sont pas nécessairement le meilleur reflet de la véritable situation d’un pays, mais, malgré cela, aucune difficulté à trouver quelqu’un qui parle anglais ou français (mais l’anglais était plus fréquent dans cette partie du pays).
Il y a peu d’exemples aussi impressionnants que le parlement de l’Union européenne, qui fonctionne avec 24 langues officielles.
Pendant ce voyage, toutes les interactions se faisaient sans complexe en raison de l’accent ou de la qualité de la langue parlée. C’était rafraichissant.
Sous la surface
Mais cette bonne entente et cette vitalité apparente sont relativement fragiles. Des textes sur le bilinguisme de la Belgique présentent des tensions similaires à ce que l’on voit au Canada, entre autres en ce qui concerne le financement de l’éducation pour une langue ou l’autre.
Lors du colloque, une conférencière comparait les niveaux de succès de différents types de système d’éducation des langues minoritaires, comme le catalan en Espagne et le gallois au Royaume-Uni. Sans surprise, c’était souvent dans les systèmes où la langue minoritaire était utilisée en priorité que les élèves avaient les plus hautes notes; et pas seulement pour la langue, dans d’autres matières aussi.
Une autre chercheuse s’est concentrée sur la situation du haut-sorabe, une langue minoritaire parlée par 0,09 % d’Allemands, et du cachoube, une langue parlée en Pologne par 108 000 personnes. Deux langues menacées de disparaitre.
Comme les Franco-Canadiens, ils font face à des défis de transmission de la langue aux plus jeunes. On retrouve des complexes d’infériorité similaires et eux aussi passent à la langue de la majorité quand une seule personne dans le groupe ne comprend pas leur langue. Tiens donc…
La situation du français au Canada n’est donc pas une situation unique, mais elle a ses propres particularités et enjeux politiques. Néanmoins, étudier ce qui se fait ailleurs, dans d’autres langues, peut nous donner des pistes sur ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter pour sauvegarder notre langue.