L’autobus s’arrête devant moi, les portes s’ouvrent et je vois sa petite face par la fenêtre. Il me saute dans les bras «MAMAN!» Puis, sans avertissement, il me lance son sac à dos et demande avec un gros accent francophone : «peux-tu holder mon school bag?»… Ayoille! mes oreilles. C’est parti, première journée d’école et le franglais commence.
C’est difficile pour moi de ne pas me sentir frustrée par le fait que mon enfant, parfaitement francophone, devienne très bilingue en un rien de temps. Nous disons souvent que le français s’apprend et que l’anglais s’attrape. C’est tellement vrai, tout simplement que l’anglais est beaucoup plus facile à comprendre et à apprendre.
Une chose qui me rassure, c’est qu’il vient d’un foyer francophone et que nous allons, comme famille, continuer de parler français à la maison. Cependant, ceci n’est pas la réalité pour tous les enfants en maternelle dans nos écoles de langue française. Plusieurs familles sont des couples exogames ou des parents francophiles dont la langue parlée à la maison n’est pas le français, donc comment faire pour appuyer l’enfant qui est moins exposé au français?
J’ai jasé avec Chantal Mayer Crittenden PhD et orthophoniste pour en savoir plus sur le sujet quand elle est passée aux Petites jasettes pédagogiques1. Voici ce qu’elle a à dire sur le sujet :
«Pour le personnel éducateur qui accueille les enfants en milieu francophone, la clé est de reconnaitre où se trouve l’enfant dans ses habiletés langagières. Les enfants (et leurs familles) nous arrivent avec différentes habiletés langagières. Dans le monde des langues, on appelle ça des variétés langagières. Chacun arrive avec ses variétés langagières et elles sont toutes belles, ces variétés-là. Il faut en parler ouvertement qu’il existe différents français et tous les français sont acceptés ici. C’est de créer une relation avec l’environnement en reconnaissant les différences sans jugement.»
«Afin d’appuyer l’enfant qui, pour la première fois, entre dans un environnement pleinement francophone, je recommande d’utiliser beaucoup d’aides visuelles et de répétitions. Dans les moments de transition, les chansons et les comptines permettent à l’enfant de savoir la prochaine étape et la routine devient de plus en plus familière. Sans avoir une pleine compréhension des mots, il commence à associer.»
Le gouvernement ontarien a reconnu l’importance de la contribution franco-ontarienne en votant à l’unanimité et en proclamant le 25 septembre Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes. Encore cette année, j’ai planifié célébrer cette journée avec fierté. Même si pour l’instant je «Hold un school bag», je souhaite que mes enfants continuent de «holder» la francophonie dans leurs cœurs et qu’un jour ils me demanderont bien gentiment de «tenir leur sac à dos».
Ce n’est pas mon rôle de juger mes enfants ou les enfants des autres pour leurs langues parlées, mais plutôt de rendre le français ludique et intéressant, d’exposer mes enfants aux fêtes culturelles, à la musique et aux traditions afin de semer en eux un amour pour ma langue et ma culture.
Comment pouvons-nous accueillir, appuyer et encourager tous les gestes et tous les efforts pour que le français prenne sa place?