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le Jeudi 16 février 2023 11:08 Chroniques et blogues

Sudbury est à nous aussi

  Photo : Archives / Montage : Le Voyageur
Photo : Archives / Montage : Le Voyageur
Courrier — Alex Tétrault, Sudbury
Sudbury est à nous aussi
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Je suis né ici, j’ai grandi ici et j’ai l’intention de faire ma vie ici. J’ai réussi à me tailler une place, à m’entourer de gens et de complices, à me créer une bulle dans laquelle je peux être complètement moi-même. Pourtant, je ne me suis jamais senti aussi peu en sécurité ici, puis je ne connais pas une personne queer qui n’éprouve pas la même chose. Le pire c’est que c’est pareil partout. Nos villes sont sous l’emprise d’une rage réactionnaire, conspirationniste et violente.

Nous assistons depuis quelques années à un retour de balancier intense et dévastateur. À mesure que la société devient plus ouverte et plus tolérante de la diversité de façon générale — il y a évidemment toujours beaucoup de travail à faire — quelques voix s’élèvent pour exprimer leur désarroi injustifié et incompréhensible. Pour ces personnes, le bonheur queer est une menace qui doit être exterminée à tout prix. Si on leur donnait l’occasion, on n’assisterait à rien de moins qu’un génocide.

Pour donner une idée, dans le dernier mois seulement, une panoplie de gens, d’organismes et de commerces locaux ont reçu des menaces en raison d’activités organisées pour desservir la communauté queer. Le Caruso Club ose accueillir un spectacle de drag. Le bar Zigs a le culot de continuer à organiser des soirées dansantes pour les ados. L’école secondaire Lo-Ellen Park avait le culot de vouloir accueillir une activité en tournée nationale — financée par et développée de concert avec le gouvernement fédéral et le milieu de l’éducation — promouvant l’estime de soi à ses élèves. Clairement, tout ceci mérite l’envoi de menaces de mort explicites et graphiques, surtout pour les élèves queers — des enfants — qui ont l’audace d’exiger le respect de la part de leur conseil scolaire.

Nous n’entendons pourtant rien de la Place Tom Davies : pas de communiqué ou de conférence de presse, pas de courriels ou d’appels solidaires, même pas un post Facebook tout croche rédigé à la va-vite par un stagiaire sous-payé. Ce silence persiste malgré le fait que depuis plusieurs années maintenant, le bureau du maire du Grand Sudbury est invité à participer à l’ouverture de la Semaine de la Fierté, pour se vanter et se péter les bretelles en raison de notre ville cosmopolite et ô combien accueillante. Tout le monde est bien à l’aise pour se servir de nous comme outils promotionnels, mais est rarement au rendez-vous quand nous en avons besoin.

Il se pourrait bien que les élu·es ne soient tout simplement pas au courant de la situation inquiétante qui se dessine. Si c’est bien le cas, j’encouragerais nos conseiller·ères à se soucier un peu plus de la population qu’iels sont censés représenter. Mais maintenant, il n’y a plus d’excuses. On ne peut plus plaider l’ignorance et si on décide toujours de ne pas agir face à l’évidence, j’ai bien peur pour les prochains trois ans et demi.

Ceci est un problème sociétal qui mérite un réel engagement de la classe politique. Nous en avons marre des platitudes, des gestes symboliques vides de poids. J’implore le conseil municipal de passer à l’action. Même poser des petits gestes — obliger des sessions d’information pour les élus, créer un comité consultatif composé de membres de la communauté, adopter une motion réitérant l’engagement de la municipalité auprès de la communauté queer — serait un bon début qui pourrait, je le souhaite, inspirer davantage d’actions. Mais il est clair que l’inaction, le silence et la complaisance ne sont plus acceptables.

Les mots me manquent pour dire à quel point je suis écœuré — à quel point nous sommes toustes écoeuré·es — de devoir prendre notre mal en patience. Ce cratère est notre chez nous aussi. Il est inacceptable que nous continuions à languir dans l’ombre, que nous soyons laissés à notre sort, que nos vies soient accordées moins d’importance que les crises de colère d’une poignée d’arriérés qui ne font face à aucune conséquence.