le Lundi 9 septembre 2024
le Jeudi 4 mai 2023 11:21 Chroniques et blogues

Le carême de la technologie

  Photo : Shutterstock
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Le mercredi des Cendres, mon fils vient d’apprendre ce qu’est le carême à son école catholique de langue française. Pendant notre tour de table du souper, il nous raconte qu’il a choisi de participer au carême cette année et que son sacrifice pendant les 40 jours est de ne pas regarder YouTube.
Le carême de la technologie
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Fier de cette annonce, il me demande ensuite de supprimer l’application de YouTube de sa tablette afin d’éviter la tentation. Il enchaine avec :  «Allez-vous faire le carême?» Moi je réplique : «Ça fait des années que je ne me suis pas dévoué au carême. Qu’est-ce que je pourrais bien sacrifier pendant 40 jours?» Il me répond immédiatement  «Pas de téléphone après souper…»

Surprise par sa réponse, je lui demande : «Tu trouves que je suis trop à mon téléphone?» Il me répond «Parfois» et continue de réfléchir pour trouver un sacrifice de carême pour son petit frère. Moi je suis un peu sur le choc… Il pense vraiment que je suis trop souvent à mon téléphone? C’est la première fois qu’il dit quelque chose de la sorte. Je n’y avais jamais pensé plus que ça. 

Un article dans Naître et grandir indique que plus les parents passent de temps avec leur appareil électronique, plus leur enfant risque d’avoir un comportement difficile. Consulter un appareil mobile dans des moments importants pourrait aussi nuire au lien d’attachement et à la relation parent-enfant. 

Pendant les jours qui suivent, je suis très consciente de l’utilisation de mon téléphone. Pendant les cours d’arts martiaux, je laisse mon téléphone dans l’auto. Avant le souper, je range mon téléphone hors de ma portée. Je fais un effort réel et je constate presque immédiatement que je manque souvent des moments précieux à cause de mon téléphone. Des moments que je ne réalisais même pas que je manquais. 

Mon fils me regarde constamment pendant ses cours d’arts martiaux, lorsque nos yeux se rejoignent, un gros sourire lui vient aux lèvres. Combien de fois a-t-il essayé de capter mon attention dans le passé, alors que j’étais distraite par mon téléphone? Combien de fois est-ce que j’ai manqué un regard de fierté après une technique bien réussie? 

Je ressens un sentiment de culpabilité ainsi que de la reconnaissance face à cette réalisation. De la culpabilité pour avoir été présente seulement physiquement, mais une reconnaissance et un sentiment de gratitude pour la réflexion offerte par mon fils face à mon utilisation de la technologie. 

À la suite du cours d’arts martiaux, je suis maintenant très consciente du fait que je ne suis pas la seule. Pendant la durée du cours, je voyais plusieurs enfants chercher le regard ou l’attention de leurs parents dans l’auditoire et je voyais les épaules baisser quand ils constataient que maman, papa ou les grands-parents n’avaient pas vu un bon coup à cause des distractions de la technologie. 

Une petite a dit à son père  «Tu as vu papa?» Il a répondu  «Oui, bien fait.» Et elle lui répond  «NON, tu n’as pas vu, tu étais au téléphone.» Je pouvais sentir la frustration de l’enfant ainsi que l’agacement du parent qui s’est fait dire par son enfant qu’il manquait de présence. 

Modèles

Il ne faut jamais oublier notre rôle comme modèles pour les enfants qui nous entourent. Ils nous regardent constamment et si nous ne faisons pas attention, nous pouvons être des modèles de comportements et d’habitudes malsaines. Bien sûr, les écrans sont utiles. Le défi est de trouver un équilibre pour qu’ils ne deviennent pas un problème dans la vie familiale et sociale. Comment mettre des limites et des contraintes face à l’écran et à la technologie pour les enfants, si les adultes auxquels ils se réfèrent n’ont aucune limite ou contrainte?

La technologie n’est certainement pas la seule distraction qui nous empêche d’être pleinement présents. Comme éducatrice, il m’arrive de prioriser les attentes du curriculum et la routine attendue. La course contre la montre m’empêche de vivre pleinement le moment présent avec les enfants. Être présent et disponible pour les enfants est primordial pour la création de relations bienveillantes et attentives. Combien de moments magiques ou d’opportunités de coapprentissage est-ce que je manque à cause de cette «conscience pleine» au lieu d’une  «pleine conscience»?

Eh bien, avec la fête de Pâques, le carême de 40 jours vient de finir et mon fils a réussi son sacrifice d’absence de YouTube pendant toute la durée. Mon carême de technologie va dépasser les 40 jours et je me risque à dire que c’est un sacrifice pour la vie. Ce n’est pas vraiment un sacrifice, car je gagne des souvenirs pour la vie, des moments intentionnels et une présence sans interruption. Ma famille bénéficie d’une maman plus présente et engagée dans leurs activités et dans leurs vies! 

À quel point êtes-vous présents et présentes pendant vos moments en famille?

Quelles limites et contraintes avez-vous mises en place pour l’utilisation de la technologie?

Quel serait l’avantage d’un carême sans technologie pour vous et votre famille?