La troisième journée des vacances d’été, les enfants me demandent leur 16e collation de la journée. Il est onze heures du matin. Frustrée, je réponds «Il faut être raisonnable». Mon fils le plus jeune me regarde et demande d’un ton sincère : «C’est quoi, raisonnable?» Immédiatement, je me rends compte que ce qui est raisonnable pour moi comme adulte n’est pas nécessairement raisonnable pour lui et que si je voulais mettre une attente en place, j’avais un travail de préparation à faire.
Si je voulais que mes enfants soient raisonnables, je devais explorer le sujet et définir les attentes. Donc, «raisonnable» est devenu notre mot de l’été. Je me suis mise en position de coapprenante et, ensemble, nous avons cherché à définir «raisonnable».
Je crois que l’enfant est compétent et capable de prendre des décisions, d’être autonome et certainement de raisonner. Je me questionne sur les moyens de leur donner la place pour prendre des décisions, pour qu’ils puissent s’exercer à être plus raisonnables. Ils devraient avoir un certain pouvoir décisionnel. Donc, j’ai arrêté de donner des limites claires et j’ai remplacé par la question : «Qu’est-ce qui est raisonnable?»
Par exemple, une voisine vient offrir des bonbons aux enfants. Normalement, j’aurais dit : «Prends seulement deux bonbons.» Au lieu, quand ils me regardent pour connaitre la limite, je leur demande : «Qu’est-ce que tu penses qui est raisonnable?» Quand ils ne sont pas raisonnables, je profite de l’occasion pour dire : «C’est un bon exemple de quelqu’un qui ne serait pas raisonnable. Qu’est-ce qui serait plus raisonnable?»
Donner l’occasion à l’enfant de prendre des petites décisions et de l’accompagner avec des conversations l’aide à développer la capacité de prendre de grandes décisions indépendantes plus tard dans la vie. L’enfant développe un dialogue interne et une confiance qui peut seulement se développer dans des moments d’autonomie décisionnelle et cette capacité est amplifiée quand les adultes démontrent une confiance en l’enfant. Plus nous laissons l’enfant prendre des décisions et négocier les limites, plus il pourra prendre des décisions réfléchies quand nous ne sommes pas là.
En premier lieu, l’enfant doit être préparé. S’il n’y a aucune conversation sur les limites, sur les attentes ou si on n’accompagne pas sainement les enfants, nous risquons de gérer des situations moins favorables à l’avenir. Le rôle de l’adulte dans cet apprentissage revient toujours à la préparation. Est-ce que l’enfant est bien préparé à affronter la situation avec confiance et comprend-il les attentes? Souvent, un enfant perçu comme tannant est simplement mal préparé.
Pour continuer notre enquête sur le mot raisonnable et tenter d’encadrer les attentes, il est important d’en parler régulièrement. Il faut prendre le temps de préparer l’enfant à différents contextes ou situations.
Par exemple, vous êtes à un souper chez un membre de la famille et l’enfant s’exclame : «Beurk, je n’aime pas ça.» Afin de préparer les enfants, il serait préférable d’avoir une conversation avant la visite pour poser la question : «Si vous n’aimez pas quelque chose dans votre assiette qu’est-ce qu’on peut dire? Qu’est-ce qu’on peut faire?»
D’autres exemples de conversation préparatoire sont :
- Voici les règlements chez matante et mononcle…
- Voici quoi dire si quelqu’un te demande un câlin et que tu n’en veux pas…
- Voici comment se comporter dans un environnement avec des adultes…
- Voici comment interagir avec les animaux des autres…
Évidemment, les attentes évoluent, car ce qui est raisonnable et acceptable de la part d’un enfant d’âge préscolaire sera certainement différent de ce qui est raisonnable et responsable de la part d’un adolescent ou d’un adulte. Les attentes vont changer; cependant, la stratégie de questionner ce qui est raisonnable ou non restera une stratégie gagnante à n’importe quel âge.
Mes enfants ont arrêté de manger 16 collations avant midi et le mois de septembre est arrivé. Notre quête de définir ce qui est raisonnable ne se termine pas. C’est un travail de toute une vie!