le Lundi 9 septembre 2024
le Mercredi 7 septembre 2022 16:24 Actualités

Nécessité de renforcer l’équité et l’inclusion dans les écoles

Diane Farmer, Sociologue et professeure à l’Université de Toronto et la journaliste Pamela Kazekare — Capture d'écran
Diane Farmer, Sociologue et professeure à l’Université de Toronto et la journaliste Pamela Kazekare
Capture d'écran
Bien qu’un pas ait été franchi pour l’équité et l’inclusion dans les écoles francophones de l’Ontario, les démarches doivent continuer. Deux études menées sur la question dans deux écoles du Grand Toronto explorent des pistes de solutions, afin d’améliorer le bienêtre des élèves dans les établissements de langue française de la province.
Nécessité de renforcer l’équité et l’inclusion dans les écoles
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Les deux études ont été faites par la sociologue Diane Farmer, également professeure à l’Université de Toronto. Elle en a donné des détails dans une conférence animée par la journaliste Pamela Kazekare, le 25 aout.

La première étude était axée sur la mise en valeur du soutien, de l’écoute et de l’accompagnement dans une démarche d’éducation inclusive. «Ce qui m’intéressait, avec le terme inclusion, c’était le rapport entre “nous” vis-à-vis des autres. Comment faire des découpages entre “nous ici” et “eux ailleurs” et voir quelles sont les conséquences au niveau par exemple de la distribution des ressources», explique Diane Farmer.

Dans le contexte de l’éducation, surtout par rapport à l’immigration, poursuit-elle, quand on a ce clivage entre «nous» et «eux», ça amène une approche déficitaire. On voit les enfants et les familles comme s’il leur manque quelque chose. C’est ainsi qu’on dira par exemple qu’ils sont des apprenants d’une langue seconde.

Les enfants issus de l’immigration viennent avec plusieurs langues, mais on va les définir par rapport à ce qu’ils n’ont pas. «C’est cette idée de déconstruire, de s’interroger sur comment on finit par faire ces catégories-là, ces divisions qui nous a guidés. On voulait voir sur quoi on se base pour faire cela», rappelle la spécialiste de l’étude des francophonies minoritaires au Canada.

Les enfants s’expriment sur leurs langues et leurs cultures

L’étude a été faite auprès de 125 jeunes. Elle a cherché à connaitre leurs parcours, à savoir s’ils sont dans un même bateau, s’il n’y a pas des nuances à faire. «J’ai pensé aux outils à mettre à leur disposition pour les aider à s’exprimer de différentes façons sur leurs langues et leurs cultures : les arts, le dessin et la photographie, à travers lesquels les enfants ont raconté leur histoire familiale», dit Diane Farmer.

Par rapport à l’enjeu de la langue, on remarque qu’au lieu de voir l’immigration comme une menace à la langue française, on se rend compte d’un lien entre la langue française avec d’autres langues.

Avec la photographie, les enfants ont pris des photos des personnes, des endroits, des objets. C’étaient des enjeux plus grands, des enjeux de société. «Certains disaient “je n’ai jamais rencontré ma grand-mère à cause de la guerre”. Quant au dessin, j’ai beaucoup appris sur l’enfant-famille, la famille plus étendue…», souligne Mme Farmer.

La chercheuse fait remarquer qu’on est dans un contexte de mobilité. On a des familles qui viennent de partout dans le monde. Finalement, se demande-t-elle, «qui est “nous”? Qui est “eux”? Je ne vois plus l’école qu’avec la métaphore de la rivière et des rives. Quand l’eau circule, ça change les rives de la rivière. Le fait qu’on a des familles qui viennent de partout, ça vient enrichir l’école. C’est cette idée que j’avais avec cette étude», explique-t-elle.

Accompagner les enseignants dans la lutte contre la discrimination

La deuxième étude était une demande du ministère de l’Éducation de l’Ontario (2015-2017) pour offrir une formation sur une année dans deux écoles de Toronto et développer des ressources qui pourraient être mises à profit pour d’autres écoles. L’étude portait sur différentes dimensions de l’inclusion, de la discrimination et de l’éducation contre l’oppression.

Ceux qui ont mené l’étude devaient accompagner les enseignantes et enseignants ainsi que les professionnels de l’éducation dans leur travail qui consistait à bien cibler une question liée à leur pratique ou au contexte de l’école. Il fallait que cette question soit précise, qu’elle soit conçue de manière à être étudiée sur une période de quelques mois et qu’elle vise un apprentissage transformateur.

Élément de continuité

Diane Farmer tire des conclusions de ses deux études.

De prime abord, avec la première étude, elle se réjouit qu’on ne voie pas l’immigration comme étant une rupture. «C’est une continuité dans leurs parcours. Quand je demandais aux enfants de parler de leurs langues, de leurs cultures, ils faisaient un lien entre l’école qu’ils ont fréquentée avant et l’école de langue française au Canada, ou encore entre la langue dans leur pays et la langue ici», déclare-t-elle.

Elle ajoute l’élément de capital de mobilité. Dans des écoles différentes, ce sont des populations qui bougent, mais pas avec les mêmes ressources. «Les écoles reconnaissent certaines formes de mobilité. Il y a un travail à faire de ce côté-là», dit-elle.

Pour la seconde étude, Mme Farmer trouve précieux le fait que les enseignants aient eu du temps pour discuter de différentes approches pour combattre la discrimination. Ils ont déjà à leur disposition plein d’outils pour poursuivre le travail qui, dans ce sens, n’est jamais fini. «Les directions d’écoles ont été aussi extraordinaires. Il n’y a pas d’autre façon d’arriver à l’équité. Il faut que celle-ci soit appuyée sur le plan institutionnel», mentionne-t-elle.

Même si l’école est le lieu pour tous, une certaine distance reste visible entre elle et la famille. Mme Farmer recommande que les écoles s’adaptent pour qu’il y ait plus de flexibilité.