La présentation de la version française de son premier spectacle dans le Nord de l’Ontario cette année — à Sudbury, North Bay et dans sa ville natale de Timmins — revêt donc une signification particulière pour elle. En fait, elle est heureuse de revenir à la source de l’inspiration de son histoire, mais un peu nerveuse parce que «les gens dans l’histoire sont là» (à Timmins).
La Franco-Ontarienne a fait carrière en anglais au Québec pour plusieurs raisons. La première, le fait qu’à cause de son accent, les Québécois la prenaient pour une anglophone. «Il y a eu une espèce d’insécurité linguistique qui s’est installée et je me suis tournée vers les marchés des arts vivants anglophones, même si j’étais au Québec.»
Sa façon de préparer ses spectacles l’a aussi entrainé dans le circuit des festivals «Fringe», qui se déroule principalement en anglais.
C’est en déménageant à Winnipeg, en Alberta, qu’elle a voulu reprendre le contrôle de sa langue. Elle a approché le Théâtre Cercle Molière pour collaborer dans la production de la version française de Blindside. «Ils ont tout de suite dit oui.»
Mme Morin-Robert a alors dû confronter son insécurité face à sa langue. Même si elle avait présenté plus de 700 fois le spectacle en anglais, le faire en français était un défi. «Ce n’était plus pantoute naturel pour moi de parler en français. Je me suis complètement fait assimiler, même dans ma propre maison. Il y avait des mots que ma bouche ne savait plus comment formuler. J’étais nerveuse. J’ai travaillé fort.»
Les 16 représentations au Cercle Molière ont très bien fonctionné, à sa grande surprise. Les critiques étaient extrêmement positives et elle est devenue de plus en plus à l’aise. Elle l’a depuis présenté au Québec et les demandes continuent à arriver.
«Ça fait maintenant un an que je fais un retour vers la francophonie, vers ma langue maternelle et que je roule la pièce qui évolue avec moi depuis dix ans.»
Se réapproprier
Dans Angle mort, elle parle sans gêne de la perte de son œil et de ses mésaventures avec un œil de vitre. C’est drôle, c’est triste, plein de mouvements et d’émotions.
Lorsqu’elle l’a écrit, son intention était de repousser sa propre zone de confort et celle du public «pour être bien avec ça, pour normaliser le handicap». «Dix ans ont passé et je suis maintenant quand même assez bien quand j’enlève mon œil sur scène», prévient-elle en riant.
«Ma nouvelle prothèse oculaire, c’est ma langue. C’est pour ça que c’est une pièce qui représente beaucoup pour moi et qui évolue avec moi. C’est mon nouvel outil pour évoluer et apprendre.»
Elle a aussi l’impression que la reconnaissance de plus en plus grande du fait français hors Québec change les perceptions. «Que je parle un peu différent, c’est comme devenu un atout.» C’est un fait auprès des spectateurs, mais aussi des diffuseurs, dit-elle.
Plus de détails sur la carrière de Mme Morin-Robert sont disponibles dans Le Voyageur du 20 septembre 2023. Pour ne rien manquer, abonnez-vous.