Les quatre artistes ont commencé la conversation avec une introduction sur leur mode de vie, à savoir vivre de façon fantaisiste. C’était une manière de nous faire entrer dans leur monde littéraire. Un monde qui refléte la transidentité et l’identité queer dans leurs oeuvres ainsi que l’inspiration que leur procure leur communauté dans leurs écrits.
Nyx nous partage que l’identité queer est au coeur de ces écrits. D’ailleurs, le titre du livre Claimings and Other Wild Things, est tiré d’un de ces poèmes intitulé Claimings qui est une série de poèmes interconnectés qui décrivent son parcours pour revendiquer son identité queer.
Il y a quelque chose de si intrinsèque d’être queer et c’est impregné dans tous ses écrits. Originaire de Sudbury, Nyx a commencé l’écriture de son recueil à l’Université et s’est demandé comment concilier la personne que vous êtes à l’université avec la personne que vous êtes à la maison. Nyx n’a pas réalisé et accepté le fait d’être queer avant d’arriver à l’université. En grande partie en raison de ce syndrome de l’imposteur qui donne à penser qu’on veut être queer parce que c’est cool. Il a fallu à Nyx beaucoup de temps pour accepter son identité et son appartenance. Avec son coming out, Nyx a pu s’ouvrir à de nouvelles sous-communautés.
Le chiac ou la structure d’un dialecte utile
Quant à Xenia , qui a causé dans un code-switch inébranlable, a beaucoup parlé du chiac et de la façon dont la structure du dialecte était utile et instrumentale dans leur transidentité. La structure du chiac ne genre pas souvent. «Ya something de beautiful», dit Xenia. De pouvoir écrire dans une langue tellement folklorique, acadienne et y ajouter sa perspective queer, trans, non binaire est un acte décolonial.
Pour Xenia, l’écriture était la réponse viscérale à un changement extrême dans sa vie. Déménager à Moncton a été une partie monumentale de la découverte de soi de Xenia. À Moncton, lorsque Xenia se présentait sous des allures flamboyantes, personne n’osait le faire. Se retrouvant l’unique personne à le faire, écrire était sa façon de donner un sens à tout cela. «Il fallait que ça sorte dans mes petits calepins, dans mes notes sur mon téléphone (…). Je m’enregistrais tout en vivant l’expérience d’être la seule personne dans sa communauté qui s’exprime dans sa transidentité», confie l’artiste. L’écriture a rendu tangible qui est Xenia.
Occuper les entre-espaces
Artiste multidisciplinaire, Kama La Mackerel a trouvé qu’il y a quelque chose de fondamentalement trans dans les espaces hybrides, à savoir son milieu professionnel. Ayant grandi dans des environnements interethniques, multilingues, il était naturel pour l’artiste d’occuper des entre-espaces. Kama a grandi dans un contexte très différent. «Je savais qui j’étais dès l’âge de huit ans».
Son identité était reconnue dans sa culture des iles maurices. Donc, Kama a pu se reconnaître et se retrouver là dedans. Kama a quitté les îles Maurice à 17 ans pour vivre en Inde pendant cinq ans. À son arrivée au Canada, Kama avait déjà un sens de soi très bien établi et fondé sur sa propre personne. Kama n’a jamais écrit pour se retrouver, mais ses écrits sont un genre de pont entre sa personne et le reste du monde. C’est-à-dire l’Amérique du Nord.
Au Canada, Kama ne peut pas séparer ses origines et sa transidentité. C’est trop interconnecté. Écrire pour l’artiste, c’est revendiquer sa place dans la société. «Voilà mon histoire, tu ne l’as pas encore entendue».
L’entre-espace dans sa transidentité est lié aussi à sa pratique de la traduction littéraire. Dans l’acte de la traduction, Kama doit occuper un entre-espace en tant que traducteur. Tout ce que Kama fait est lié a son identité queer et trans. Sa démarche est potentiellement politique.
Dans sa traduction du livre Pump, Kama nous raconte que sa propre manière de traduire fait en sorte qu’elle s’insère dans la traduction. Et qu’en travaillant sur le projet du livre de Sydney, Kama sait que ses choix reflètent sa façon d’être avec celle de Sydney. On peut lire un ouvrage à la fois en anglais et en français, il y a une richesse parce qu’il y a des choses qui ont été ajoutées et des idées qui ont été délaissées, mais cela reste la même œuvre et que les deux font écho l’un à l’autre.
«Les humains, ces bêtes terribles!»
Sydney a écrit le roman Pump, un recueil de récits interconnectés. Intitulé Le Marais en français, ce livre raconte l’histoire d’une petite ville ontarienne avec une réserve d’eau contaminée. Celle-ci provoque un changement alimentaire chez les castors de la ville. Ils se mettent à manger les humains! Mais les humains sont de «terribles bêtes» aux yeux de Sydney, donc «ce n’est pas grave».
Sydney aime parler des petites villes parce que l’artiste a grandi dans une petite ville. Avec une lentille habituellement centrée sur les petites communautés pastorales, comment démontrer que les gens queer ont toujours existé dans ces petites villes? «Ce n’est pas en écrivant de manière isolée que j’ai pu entrer dans mon homosexualité d’une manière solidifiée. Plus j’écrivais, plus j’étais capable de partager des écrits et cela m’a mis en contact avec d’autres personnes queer».
La raison pour laquelle Sydney écrit autant sur l’identité queer dans les petites villes est que «vous êtes souvent entouré de gens qui sont aussi comme vous dans un sens queer».
«Il y a donc beaucoup de passages, d’assimilation et d’agir comme si vous étiez comme tout le monde et, sans le savoir, entouré d’autres personnes remplies de ces peurs et de ce sentiment qu’il n’y avait pas d’espace pour être soi-même», explique Sydney.
Le besoin d’écrire sur l’homosexualité dans sa petite ville a permis à l’artiste de nouer des liens avec des personnes homosexuelles qui étaient toujours là. «Et s’il y avait une troisième option au lieu de rester et de faire semblant, ou de partir et d’être soi-même, et s’il existait cette possibilité de faire de la place à des gens comme nous», relève Sydney.