Andrée-Ann Deschênes compte six albums à son actif, Milhaud & Ginastera (2016),Villa – Lobos / Castro (2017), Piazzolla : Adios Nonino (2018), The Ovalle Project (2018), et Leng : Doloras (2020.) Son tout nouvel album Wanderings (2024) est une collection de sept numéros écrits spécifiquement pour la pianiste par sept compositeur•trices de jazz brésilien, soit Cassio Vianna, Jasnam Daya Singh, Bianca Gismonti, Jovino Santos Neto, Kerry Politzer, Carmen Sandim, et André Mehmari. Wanderings a été enregistré à Sault-Sainte-Marie et est sorti le 2 février 2024.
Pour guérir son ennui artistique
L’approche de Deschênes est multidimensionnelle, non seulement a-t-elle créé un nouvel album mais elle a travaillé en même temps à la création d’un film mêlant l’entrevue, le documentaire, la performance, et le jazz qui est présent tout le long du film.
«Imaginez ceci – vous trouvez un bâtiment. Ça a l’air un peu abandonné, c’est vide, c’est sombre. Vous entrez et voyez tous ces petits espaces et pièces. Vous commencez à vous promener, à explorer chacune de ces pièces, sans savoir ce que vous allez trouver. «C’t’affaire là», comme j’aime l’appeler, a commencé en 2022, lorsque j’ai eu l’idée de me faire écrire une ou deux pièces pour guérir mon ennui artistique. Je me suis promenée dans une pièce, ou dans une idée, et j’en suis ressortie quelque temps plus tard avec sept nouvelles œuvres musicales de sept brillants compositeurs. Chaque pièce a son propre espace musical à explorer, chacune d’entre-elles attend que vous vous y promenez, et peut-être que vous y restez un moment,» décrit Deschênes.
Une idée bien simple qui a fait boule de neige
«Au début, c’était une idée bien simple, j’avais un budget qui me restait d’un autre projet. J’ai décidé de demander à un compositeur d’écrire de la musique pour moi. Puisqu’il me restait encore d’autres fonds, j’ai décidé de demander à un autre compositeur, puis encore une autre compositrice, et comme ça, de fil en aiguille, c’est devenu un projet d’album. Mon idée originale était de seulement me limiter à un album mais comme je travaillais dans un studio où il y avait des personnes-ressources extraordinaires, c’était facile d’imaginer de faire un peu plus», dit-elle.
Dan Nystedt était intrigué par le processus d’Andrée-Ann
Le film Wanderings,The Making Of (a.k.a This Whole Thing) de 25 minutes a été réalisé par Dan Nystedt, «j’avais cédulé avec Le loft en vue d’un concert à l’automne, c’est tout ce que j’avais fait. Dan Nystedt avait entendu parler de ce travail collaboratif que je préparais. Un jour, il me dit : «peux-tu me parler de ça?».
«Nystedt était intrigué et je pense qu’il n’y avait personne à Sault-Ste-Marie qui faisait quelque chose comme ça. Il n’y a pas beaucoup d’artistes professionnels qui font de la performance plus soutenue ici– qui ne font pas du singer-songwriter. Alors, il m’a demandé: est-ce que ça te dérangerait si je te filmais pendant que tu joues?», raconte Andrée-Ann Deschênes.
Tous les morceaux du casse-tête se sont placés
À l’intérieur d’une période d’un an, la pianiste a non seulement commissionné des compositions qu’elle a ensuite performées avec brio, elle a aussi participé à tous les aspects de la production, de l’installation et du tournage du documentaire. «Le Music Video c’était donc pour moi un coup de hasard. Un soir, j’ai reçu un texto d’une collègue, Andrea Pinheiro: as-tu parlé à Dan? Pinheiro et Dan Nystedt s’étaient rencontrés un soir dans leurs studios et ils avaient discuté d’aller filmer ma performance dans le Board Mill, derrière le Machine Shop de l’ancienne usine de pâtes et papier St. Mary’s. Ma première réaction avait été de répondre: c’est cool mais qui va payer pour ça?».
Elle poursuit : «Moi, je venais de revenir des États, et après 10 ans là-bas, je ne connaissais pas les programmes de subvention. Mais j’ai décidé, ok, je vais déposer une demande au Conseil des Arts du Canada. J’ai pensé qu’ils ne me donneraient jamais l’argent pour faire ce grand projet, mais, en fin de compte, oui, ils l’ont fait! Alors, ils m’ont octroyé assez de fonds pour réaliser ce projet d’envergure. Tous les morceaux du casse-tête se sont emboîtés les uns dans les autres».
Andrée-Ann explique que l’idée du départ, ce n’était pas de faire un film. «C’est comme une boule de neige, ça roule, ça roule, pis, à un moment donné, ça devient plus gros. Je ne dirais pas que mon processus est intuitif nécessairement, mais c’est de pas avoir peur de ton idée, de commencer p’tit, pis de juste voir où est-ce que ça va».
La musique brésilienne est moderne, contemporaine et rafraîchissante
L’album Wanderings compte sept compositions toutes plus envoûtantes les unes que les autres, dont Andanças I, II et III, Chardi Kala Pt 1: Bhana, Chardi Kala, Pt 2: Peace Within, Chardi Kala Pt 3: High Spirits, Microclimates I, II, III et Two Moons pour n’en nommer que quelques-unes. Pour Dr Deschênes, la musique brésilienne est une musique qui s’adonne à sa pratique contemporaine. «J’ai toujours eu l’impression que la musique brésilienne ne fait pas de distinctions entre les genres de musique. Elle s’ajuste bien, tu peux ajouter des instruments, tu peux ajouter des twists, tu peux improviser, tu peux faire plein d’affaires, et ce n’est pas frowned upon. Le style est moins exigeant ou rigoureux dans ses distinctions, moins stuck up. L’impression que j’avais est que je voulais faire plus que de ne faire qu’une seule chose».
Pour elle, «la musique brésilienne, en ce qui concerne les pièces qui sont écrites pour le piano, je la trouve moderne, contemporaine, rafraîchissante. Pour moi ça représente qu’est-ce que ça devrait être que de jouer du piano au vingt-et-unième siècle. C’est de la musique accessible mais très complexe».
Tout s’est aligné pour créer une oeuvre de haut calibre
Deschênes a passé une décennie dans l’univers académique. Elle a obtenu un diplôme avancé en musique jazz de Humber College, puis une maîtrise en musique Afro-latine de California State University, et elle détient un doctorat en Arts de la Musique de Claremont Graduate University. Ce qui la motive beaucoup, c’est de croire que d’une petite idée, si humble soit elle, peut naître quelque chose de grand. «J’pense que j’aurais jamais fait ça si j’avais été ailleurs. C’est pas nécessairement le lieu géographique de Sault-Ste-Marie qui s’est inséré dans mon travail. Mais ce que j’ai trouvé à Sault-Sainte-Marie, c’est qu’il y a beaucoup d’artistes de haut niveau qui sont intéressés à collaborer et à produire du travail de haut calibre. Les artistes qui sont ici, sont beaucoup moins centrés sur eux-mêmes. Si tu vas à Los Angeles, tout le monde est ben occupé avec leurs petites affaires. Quand on a fait le lancement, tout le monde était fier d’en avoir fait partie. J’ai été vraiment chanceuse», dit Andrée-Ann Deschênes.
Le 5ème Sault Film Festival
Le festival du film qui devait avoir lieu en personne au Musée de Sault-Sainte-Marie, du 29 novembre au 1er décembre a malheureusement été annulé pour cause de tempête. Les programmes des films étudiants, des courts-métrages, des films autochtones, et bien d’autres ont donc été visionnés en ligne. En attendant, le film d’Andrée-Ann Deschênes est disponible à visionner sur Youtube, sur ce lien : https://youtu.be/BXKvM6fnkms?si=VOJCeG91x0cN_RUJ