FrancoQueer a présenté, le 5 décembre 2024, en ligne, les résultats préliminaires d’une série de consultations effectuées entre août et novembre 2024, dans plusieurs villes à travers l’Ontario, dans le cadre de son projet «Développement de capacités organisationnelles».
En engageant les membres de la communauté 2SLGBTQIA+, ces consultations visent, d’une part, le renforcement de la mission provinciale de FrancoQueer et d’autre part, le soutien du leadership des personnes 2SLGBTQIA+ francophones à travers la province. Ce projet est financé par le ministère des Femmes et de L’Égalité des genres Canada.
Cinq villes du Nord de l’Ontario
La collecte des perspectives des membres de la communauté 2SLGBTQIA+ a été effectuée dans une quinzaine de villes à travers l’Ontario. 52 membres des diverses communautés 2SLGBTQIA+ francophones ont participé à ce projet.
FrancoQueer a enregistré 17 participations du nord de l’Ontario réparties sur les cinq villes suivantes : Thunder Bay (3), Hearst (5), Timmins (2), North Bay (2) et Sudbury (5).
Bien que la participation semble variable, engager la communauté afin de participer aux consultations était tout un défi pour les organisateurs. «Pour ce qui est du Nord, FrancoQueer n’a pas encore beaucoup de notoriété, puisqu’on n’a pas de présence dans le Nord. Pour nous, c’était stratégique de travailler avec les partenaires et d’avoir leur appui pour faire la promotion des consultations», explique Arnaud Baudry, directeur général de FrancoQueer. «On a quand même réussi à engager une diversité de profils dans les cinq villes», ajoute-t-il.
Selon Elizabeth Nguyen, coordonnatrice du projet, la sélection de ces villes s’est effectuée en fonction de la taille de leur population francophone. Le choix de mener des consultations en personne n’est pas anodin. En effet, FrancoQueer veut «commencer à créer des liens avec les organismes locaux de ces villes et aussi rencontrer les membres des communautés 2SLGBTQIA+ et leurs alliés», explique la coordonnatrice du projet.
La spécificité de la communauté 2SLGBTQIA+ du Nord
Bien que beaucoup de similitudes soient ressorties à travers les villes de l’Ontario, la communauté 2SLGBTQIA+ du Nord a sa propre réalité. En plus de sa géographie et de la taille de ses villes, la mentalité conservatrice et le caractère industriel contribuent à la création de stéréotypes quant à l’identité 2SLGBTQIA+, faisant ainsi obstacle à leur pleine intégration et leur affirmation identitaire.
«Il y a des choses spécifiques qui sont liées d’une part à la géographie, c’est la sensation de se sentir isolé. Dans les petites villes, c’est difficile, parce que la mentalité semble être encore très conservatrice. Il y a aussi des éléments spécifiques liés aux industries minières auxquelles on leur associe beaucoup de stéréotypes masculins, des stéréotypes liés aux conditions de travail qui font que ce n’est pas forcément facile pour certaines personnes de s’affirmer dans ce type d’environnement», souligne Arnaud Baudry.
Les caractéristiques de la région du Nord de l’Ontario déclenchent, d’une part, une crainte et des inquiétudes dans la communauté 2SLGBTQIA+ . D’autre part, elles ont pour effet l’exode de certains de ses membres vers les grands centres urbains. «On a entendu des personnes qui disent chercher à quitter leurs villes pour joindre des centres urbains, parce que dans les petites villes, elles ne se sentent pas à leur place. Il y a beaucoup d’inquiétudes par rapport à comment elles vont être perçues et à tous les stéréotypes associés à ça. Les personnes se cachent, en fait», constate le directeur général de FrancoQueer.
La communauté arc-en-ciel du Nord de l’Ontario semble être unanime sur la question du sentiment d’appartenance à une communauté francophone en situation minoritaire. «Dans le Nord, il y a vraiment quelque chose qui semble être ancré dans les identités et qui les attache à leur terre d’origine et à leur communauté francophone», confirme Arnaud Baudry. En revanche, cet ancrage identitaire, en tant que communauté francophone en situation minoritaire, n’implique pas nécessairement un sentiment d’inclusion dans son entièreté identitaire. Selon les propos de M. Baudry, les personnes 2SLGBTQIA+ «vont se sentir bien entre francophones. Elles ne vont pas se sentir nécessairement incluses en tant que francophones arc-en-ciel. Il s’agit d’un environnement dans lequel elles ne peuvent pas se sentir entières. Elle doit choisir une partie de leur identité pour être à l’aise et se maintenir à l’aise».
Des activités pour la communauté 2SLGBTQIA+
Selon les résultats présentés, les participants aux consultations ont soulevé une double minorisation au fait de leur appartenance à une minorité linguistique et à la communauté 2SLGBTQIA+. Cette double minorisation réduit, par conséquent, leur visibilité et les opportunités d’organiser des activités et de participer à des rassemblements. Et ces rassemblements restent très restreints et d’ordre privé, ce qui «limite l’intégration de nouveaux membres» et réduit «les opportunités pour les communautés arc-en-ciel et leurs alliés de créer une communauté plus large et interconnectée», selon Elizabeth Nguyen.
« Il y a beaucoup de choses faites par la communauté ou les organisations francophones qui ciblent les aînés, qui ciblent les jeunes, mais il manque des activités de réseautage et des occasions de se rencontrer, spécifiquement, pour les communautés 2SLGBTQIA+», note Arnaud Baudry.
Selon Elizabeth Nguyen, «il y a un fort engagement des organisations et des institutions pour créer des activités, afin de se rassembler. Ce qui permet de développer un sentiment d’appartenance chez ces communautés et de briser leur isolement. Ces activités permettent aussi aux personnes arc-en-ciel francophones d’exprimer leur identité sans jugement et de rencontrer d’autres personnes comme elles».
Les résultats mettent l’accent sur les efforts des organisations et des institutions de créer des projets interorganisationnels, sur leur désir de poursuivre et d’améliorer ces collaborations et sur leur volonté d’agir pour promouvoir l’inclusivité envers les communautés arc-en-ciel. En revanche, Elizabeth Nguyen précise qu’«il y a un manque de coordination entre certaines organisations et institutions. Dans plusieurs cas, il y a une dépendance excessive vis à vis d’une et/ou un certain nombre de personnes pour gérer des groupes ou des initiatives. Cela peut avoir des impacts négatifs sur la durabilité des projets et la santé de ces personnes aussi».
Réflexions et recommandations
Une chose est certaine, FrancoQueer tient à avoir une présence dans le Nord. «Ça fait partie des perspectives. Ça fait aussi partie de nos objectifs et de notre stratégie de nous rapprocher des différentes régions pour mieux répondre à notre mandat provincial», confirme le directeur général de FrancoQueer.
Des négociations avec des bailleurs de fonds sont en cours afin de permettre à FrancoQueer d’avoir une représentation dans la région et d’étendre ses services au profit de la communauté 2SLGBTQIA+.
En fonction du financement, FrancoQueer compte offrir des services d’établissement pour les nouveaux arrivants, ainsi que des services de sensibilisation, de formation et de développement professionnel, en guise d’appui aux organismes locaux, pour les aider à développer des pratiques inclusives envers les communautés 2SLGBTQIA+. Ces services seront offerts par et pour la communauté 2SLGBTQIA+.
FrancoQueer a clôturé la présentation des résultats de ses consultations par une synthèse des réflexions en ce qui a trait à l’avenir des communautés 2SLGBTQIA+ francophones en Ontario.
Les participants aux consultations ont exprimé le besoin «de consolider les liens entre les membres de la communauté 2SLGBTQIA+ francophone et leurs alliés par l’entremise d’initiatives et d’activités, de fournir des efforts de sensibilisation dans les milieux scolaire et professionnel et d’améliorer l’accès aux services de santé, de soutien psychosocial et de ressources culturelles».
Il est question aussi «de soutenir financièrement les institutions afin de créer des initiatives arc-en-ciel francophone et d’organiser régulièrement des activités pour valoriser les contributions arc-en-ciel francophone».
En s’appuyant sur ces réflexions, FrancoQueer a proposé trois recommandations préliminaires. Il s’agit d’abord de permettre la présence locale de FrancoQueer dans les régions, en ouvrant trois nouveaux bureaux, dont un dans le Nord de l’Ontario. Et ce travail se fera de concert avec les organismes existants.
Il s’agit ensuite du développement et de l’adaptation des activités et des programmes de FrancoQueer, pour répondre aux besoins locaux des personnes 2SLGBTQIA+ en matière de bien-être, de création des espaces sécuritaires et d’organisation d’activités sociales et communautaires abordables et accessibles.
Enfin, FrancoQueer recommande la diffusion de ses programmes de sensibilisation et de formation en région, pour appuyer le développement d’un environnement inclusif aux personnes 2SLGBTQIA+.
Une version officielle des résultats et des recommandations d’actions sera publiée en 2025.