Un ancien professeur de philosophie de Sudbury, Réal Fillion, souligne dans son nouveau livre, The Elective Mind, que les universités ont, au fil des ans, de plus en plus valorisé la spécialisation des étudiants au détriment de l’élargissement des horizons grâce aux cours au choix. Leurs actions auraient encouragé la prise de cours plus faciles qui ne serviront pas nécessairement au développement personnel de l’étudiant.
Professeur de philosophie à l’Université de Sudbury pendant plus de 30 ans, M. Fillion souligne que les cours au choix sont là pour encourager l’éducation interdisciplinaire, pour développer davantage la pensée critique de l’étudiant et le développement personnel et professionnel. «Il y a toute une dimension de choisir des cours qui ne sont pas dans ta spécialisation. C’est ça qui enrichit l’éducation universitaire», explique-t-il.
Son projet pour sa sabbatique de 2019 à 2020 est essentiellement des collections de pensées et de perspectives en tant que professeur d’université. «Je voulais prendre le temps de redécrire ce que je faisais en donnant des cours de philosophie dans une université qui était essentiellement en train d’arrêter d’être une université, qui était en train d’être une autre institution postsecondaire», dit-il. Le livre a été publié le 5 octobre.
Il considère que la réflexion qui mène à choisir un cours au choix au lieu d’un autre a changé au fil des ans, passant de quelque chose qui intéresse l’étudiant à quelque chose qui lui assurera une note de passage facile. «Je sentais qu’il y avait quelque chose qui ne marchait plus», indique-t-il.
Les cours de philosophie devraient être considérés comme une matière essentielle à offrir dans tout établissement postsecondaire sérieux. «Je pense que c’est quelque chose de fondamental dans l’université. C’est une offre qui devrait être là et les étudiants ne devraient pas être découragés. […] Parmi ces cours aux choix, la philosophie en est une qu’on pense qu’on devrait prendre puisqu’il s’agit des questions fondamentales», dit-il.
Le livre est surtout destiné — mais n’est pas limité — à ceux qui participent à la vie universitaire. «Je m’adresse un peu aux étudiants et mes collègues, des professeurs qui font la même chose, qui offrent des cours aux choix que normalement, dans la conception universitaire d’un diplôme, doit faire partie de l’expérience de faire un baccalauréat», souligne-t-il.
Choqué, en colère, déçu
Ayant perdu son emploi en raison de la situation financière à la fois de l’Université Laurentienne et de l’Université de Sudbury, il est d’autant plus d’avis qu’il n’y a aucune raison valable pour supprimer une matière aussi essentielle qui attirait toutes sortes de gens vers ses cours au choix, même s’ils n’étaient pas inscrits au programme de philosophie. «J’ai été choqué par cette coupure-là. J’ai assumé que n’importe quel universitaire [en l’occurrence un recteur] comprend que la philosophie est une partie intégrale à la formation universitaire. […] Où d’autres vas-tu prendre un cours de philosophie? Ça fait partie de l’université», insiste-t-il.
(NDLR : L’Université Laurentienne dit encore offrir des cours au choix, mais n’a plus de département de philosophie. Une recherche dans la liste de cours de l’automne 2021 révèle seulement deux cours avec le code PHIL et trois autres cours de philosophie pour le programme d’histoire en anglais et pour des programmes de santé.)
L’élimination du programme de philosophie à la Laurentienne n’était pas une bonne décision selon lui. «[La Laurentienne] a coupé la philosophie en disant que les étudiants n’en veulent pas, mais c’est faux parce que les étudiants ne veulent pas être dans une spécialisation de philosophie, mais veulent suivre les cours aux choix. Pour moi, parmi les discours du recteur, il ne semble pas comprendre ça», explique-t-il.
«Je ne parle pas juste de la philosophie, mais des cours d’histoire, de littérature, de musique, de théâtre, ce n’est pas tout le monde qui va se spécialiser dans ces choses-là, mais c’est une dimension de l’éducation universitaire qui est fondamentale. […] On ne comptait pas tous les cours que les étudiants suivaient aux choix.»
Le livre n’est disponible qu’en anglais pour l’instant, en copie physique ou électronique sur le site web des Presses de l’Université d’Ottawa. L’auteur a expliqué qu’il évalue la possibilité de faire une traduction indirecte en français qui abordera très probablement des sujets légèrement différents, puisqu’il parlera un peu plus de la situation en français.