La colère est encore bien présente chez des professeurs et des étudiants affectés par les suppressions de programmes de l’Université Laurentienne, mais il y a également une volonté de passer à l’étape suivante sans l’établissement. Ils et elles se sont exprimés lors de la première assemblée publique organisée par le Comité triculturel pour l’éducation universitaire à Sudbury le 27 octobre.
L’ancien professeur du programme d’Études autochtones de l’Université de Sudbury, Will Morin, a pris la parole en premier. «Les enfants sont toujours ceux qui souffrent le plus d’un divorce. Les étudiants ont été exclus de ce processus», rappelle-t-il.
Il s’en prend également au Conseil de l’Université Laurentienne pour la formation des Autochtones (CULFA) qui n’a rien fait pour défendre le programme d’Études autochtones de l’Université de Sudbury. Il n’a plus confiance en eux pour représenter la communauté autochtone. «CULFA, dites la vérité et assumez la responsabilité de ces actions. Ou agissez et dissolvez en tant que conseil et dénoncez ces coupes.»
Pour sa part, l’ancien professeur Thierry Bissonnette s’est amusé à relever toutes les «contradictions et absurdités» du discours de la Laurentienne. Comme le budget «équilibré» de 2017 malgré le flagrant déficit à long terme; un plan stratégique prometteur qui n’est plus représentatif à mi-parcours, un Comité sur l’épanouissement de l’espace francophone qui n’a jamais donné de résultats; que le «troisquarts des économies» de la restructuration servent à payer la restructuration; des professeurs congédiés qui se font offrir des charges de cours…
Thierry Bissonnette voit dans les actions de l’établissement plus un changement de mission qu’une restructuration financière. «Il est vrai qu’il y avait parfois peu d’étudiants en spécialisation dans certains cours, mais il y avait quand même 25 étudiants dans la classe et ce fait a été mis de côté par l’administration», affirme-t-il.
Stress étudiant
Trois étudiantes ont partagé leur histoire. Marie-Pierre Héroux est de presque toutes les tribunes sur le sujet et sa longue histoire de problèmes avec l’Université Laurentienne est connue. Elle tente de terminer son baccalauréat en histoire à l’Université d’Ottawa. D’une voix encore empreinte d’émotions, elle rappelle que ce n’est ni son choix ni la situation idéale. Étudier et vivre à Ottawa lui coute plus cher et la convivialité est loin d’être la même.
«Je crois sincèrement que la francophonie n’a plus sa place au sein de la Laurentienne. Il faut aussi exiger la destitution de Haché et du Conseil des gouverneurs», mentionne Marie-Pierre Héroux, faisant écho à l’une des demandes du Comité triculturel.
La Fédération canadienne des étudiants-Ontario suit la situation de près. La représentante du Nord, Kayla Weiler, indique que les problèmes financiers de la Laurentienne inquiètent les étudiants de partout dans le Nord qui se demandent si leur établissement sera le prochain.
Surtout que l’accès au financement pour les études postsecondaires est difficile. «Il faut rejeter immédiatement cette vision corporative de l’éducation», plaide Kayla Weiler.
Une ancienne étudiante du programme d’Italien, Danielle Drescher, rappelle que les pires nouvelles sont toutes survenues pendant la session. Les nouvelles des coupures l’ont tellement stressée qu’elle a eu de la difficulté à faire ses examens et terminer sa session. De plus, les professeurs congédiés ont tous été d’une plus grande aide que les employés vers qui on la dirigeait, raconte-t-elle.
Nouvelle école d’italien
Le département des langues modernes (en anglais) est l’une des victimes de la restructuration. L’étudiante Danielle Drescher a dû elle aussi déménager pour terminer ses études en Italien. Pourtant, le programme de la Laurentienne était en santé et appuyé par la communauté, soutient une de ses professeures, Christine Sansalone.
Elle raconte que le nombre de professeurs de ce programme avait diminué de 70 % au cours des 15 dernières années, car les départs n’étaient pas remplacés. Comble de l’ironie, lorsque la Laurentienne a suspendu les inscriptions à l’été 2020, on leur a donné comme raison «qu’ils utilisaient trop de chargés de cours».
Christine Sansalone et Diana Iuele-Colilli, les deux seules professeures à temps plein restantes, ont alors travaillé à la restructuration du programme. Leur plan a été si bien accueilli qu’on leur a dit qu’il servirait d’exemple pour tous les autres programmes suspendus… jusqu’à ce qu’ils soient tous coupés.
Diana Iuele-Colilli a cependant décidé que l’enseignement de l’italien ne disparaitrait pas à Sudbury. Le Paul Colilli Institute for Italian Studies offre désormais des cours de langue et de culture italiennes avec l’aide du Club Caruso et «sans un sou de la Laurentienne».
Le Comité triculturel compte organiser un évènement le 1er février 2022; le premier anniversaire de l’annonce de l’insolvabilité de l’Université Laurentienne.