le Lundi 16 septembre 2024
le Vendredi 2 Décembre 2022 11:00 Éducation

Écouter pour se comprendre

«J’ai été coapprenant tout au long de l’année, car moi, j’ai réussi à améliorer mon anglais en écoutant ce qu’ils disaient entre eux. J’ai amélioré mon vocabulaire dans mes efforts d’écoute active.» — Laurent Ouairy  — Photo : Courtoisie
«J’ai été coapprenant tout au long de l’année, car moi, j’ai réussi à améliorer mon anglais en écoutant ce qu’ils disaient entre eux. J’ai amélioré mon vocabulaire dans mes efforts d’écoute active.» — Laurent Ouairy
Photo : Courtoisie
Par Mélanie McDonald (EPEI, TES) et Laurent Ouairy (EPEI)
Écouter pour se comprendre
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Nous sommes sur la 144, en route pour une journée de formation à Timmins. Dans le camion, je suis avec mon collègue Laurent Ouairy. Laurent est français de France et il habite en Ontario depuis 2014.  

Il me demande : «As-tu réussi à trouver du film étirable pour notre activité?» 

Je lui réponds : «Un film étirable? Hmmm… peux-tu décrire ce que c’est?» 

Laurent : «Un film de plastique transparent étirable, sous forme de rouleau, dans une boite.» 

Moi : «Ahhhhhh! du Saran wrap …. Oui j’ai le Saran wrap ou film étirable.»

Tous les deux, on se met à rire. Cette situation nous arrive souvent et, à chaque fois, nous apprenons quelque chose de nouveau.  

Laurent ajoute : «L’essentiel, c’est qu’on se comprenne… Nous réussissons à communiquer, car nous cherchons constamment à comprendre l’autre, sans jugement et dans l’humour.»

J’ai beaucoup réfléchi à ce que Laurent m’a dit. Écouter pour comprendre sans juger. Je pense au rôle du jugement dans l’insécurité linguistique. Avec Laurent, je ne me gêne pas de lui demander de décrire ou de lui demander une explication du mot utilisé et même, parfois, de rire de sa prononciation ou de l’expression. Si tout le monde se sentait aussi à l’aise d’écouter pour comprendre, dans un climat de confiance, peut-être que l’insécurité linguistique disparaitrait.

Pendant le reste du voyage sur la 144, Laurent me raconte l’expérience de son arrivée au centre de la petite enfance : 

«Lors de mon arrivée en service de garde en Ontario, mon niveau d’anglais n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. J’ai appris l’anglais d’Angleterre, donc, l’accent canadien est complètement différent. Au centre éducatif, les enfants parlaient anglais entre eux et tentaient de me parler en anglais. Je leur répondais en français… J’essayais de comprendre, d’utiliser des objets et de mimer pour me faire comprendre. À force de le faire, ils ont bien compris que s’ils voulaient que je les comprenne, il fallait me parler en français. Je n’ai jamais explicitement dit : Parle-moi français, mais avec le temps, ils ont bien compris. Alors qu’ils continuaient de jouer entre eux en anglais, avec moi, ils basculaient vers le français. J’avais l’impression qu’ils faisaient un effort, car, quand ils me voyaient, leur expression faciale changeait. L’enfant devait vraiment réfléchir pour exprimer son idée. Lors de mes interactions avec les enfants, j’entrais dans le jeu en français, ce qui les forçait à changer de langue lors de mon arrivée. 

«Les conséquences à long terme ont été que leurs relations avec moi étaient uniquement en français et, quand j’étais dans la salle ou parmi le jeu, tout se déroulait en français, ce qui n’était pas la réalité avant mon arrivée. À la fin de ma première année au centre, j’ai eu une prise de conscience à la suite d’une discussion avec un parent qui m’a indiqué que son fils avait très bien et rapidement progressé en français. Son fils ainé était passé par le même service, mais ma présence semblait avoir fait toute une différence. J’ai été coapprenant tout au long de l’année, car moi, j’ai réussi à améliorer mon anglais en écoutant ce qu’ils disaient entre eux. J’ai amélioré mon vocabulaire dans mes efforts d’écoute active.»

Quand je suis entouré de personnes qui écoutent pour comprendre, je suis pleinement présent et mon cerveau est concentré sur l’interaction que j’ai avec la personne et non sur ma réponse ou sur comment je vais m’exprimer. La clé est d’écouter pour comprendre et non pour répondre. J’ai besoin de bienveillance, pas de me faire corriger, j’ai besoin qu’on m’explique et qu’on se questionne sur le sens d’un mot. C’est pareil pour les enfants.

Les centres et les services à la petite enfance francophones ont le devoir de développer le français comme langue de relation avec les enfants et les familles. Comme Laurent l’a fait (sans avoir le choix), il a créé la langue de relation en français avec les familles et les enfants du centre. La réalité est que la plupart du personnel en petite enfance est bilingue. Faisons-nous une faveur aux enfants et aux familles lorsque nous nous adressons en anglais ou dans une autre langue que le français dans un service francophone? La réponse est NON. 

Comme nous avons vu dans le témoignage de Laurent, nous avons l’opportunité de créer cette langue de relation avec le service francophone et d’appuyer le développement, non seulement de la langue, mais aussi des 4 fondements du «Comment apprend-on?» (Document du ministère qui guide la pratique pédagogique du personnel éducateur).

S’exprimer exclusivement en français appuie le sens d’appartenance, d’engagement, d’expression et de bienêtre chez tous les enfants et les familles qui entrent dans nos services en langue française. 

La solution n’est pas de compter sur une autre langue, mais plutôt d’écouter pour se comprendre!