Le gouvernement provincial a pigé dans l’Entente Canada-Ontario relative à l’enseignement du français pour offrir ce financement à la Laurentienne.
«Ce genre de financement va aider à créer davantage, à moderniser des cours et des programmes, médiatisés des programmes qui seront livrés en français», note le conseiller spécial aux affaires francophones à l’Université Laurentienne, Roch Gallien.
M. Gallien indique que la Laurentienne a un mandat de former des personnes bilingues, «pas juste anglophone vers le français, mais aussi des francophones vers l’anglais». Le certificat de bilinguisme est l’un des outils à sa disposition. Il peut être obtenu en récoltant 15 crédits dans des cours dans sa langue seconde.
Recherche de confiance
Le processus de restructuration de la Laurentienne par le biais de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) a ébranlé la confiance envers l’établissement, surtout du côté des francophones, où des groupes franco-ontariens préfèreraient que l’université devienne uniquement anglophone et que tous les programmes en français soient sous la responsabilité de l’Université de Sudbury.
Une ancienne étudiante du programme d’Histoire de l’Université Laurentienne, Marie-Pierre Héroux, ne comprend pas «comment les gouvernements peuvent financer ce genre de projet, mais aussi dire que l’Université de Sudbury, l’enseignement postsecondaire dans une université autonome, c’est important, mais qu’ils attendent encore de financer».
Elle voit une déconnexion entre ce que les gouvernements disent et ce qu’ils font. «Je ne comprends pas pourquoi ça prend autant de temps à financer le projet de l’Université de Sudbury», dit-elle. «Je suis certaine qu’ils sont au courant que la communauté francophone n’est plus derrière le projet de l’Université Laurentienne.»
La Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française se pose des questions similaires. Le porte-parole, Denis Constantineau, rappelle que la priorité du groupe est d’avoir une université de langue française dans le Moyen-Nord, de justement sortir du bilinguisme.
Rappelons que dans notre éditorial de la semaine dernière, nous avons révélé que le gouvernement fédéral n’était pas au courant de cette utilisation des fonds de l’Entente Canada-Ontario. Quoique la province est en droit de le faire. Le député de Nickel Belt, Marc Serré, a demandé plus de détails à l’administration de la Laurentienne. Denis Constantineau voit ce manque de transparence comme un exemple que la Laurentienne n’a pas appris de ses erreurs d’avant la LACC.
Ces nouvelles options d’enseignement font partie de la reconstruction de la confiance, selon M. Gallien. «C’est un échafaudage. Je le vois comme on construit au fur et à mesure pour se rendre à un niveau satisfaisant. C’est un bon début.»
Une demande internationale
Selon le conseiller spécial, l’apprentissage du français ou de l’anglais comme langue seconde est en forte demande, entre autres par les étudiants internationaux.
Le fait qu’il faut être bilingue en Ontario pour avoir de meilleures chances de décrocher un emploi est de moins en moins un secret pour les nouveaux arrivants. «Nos nouveaux arrivants qui proviennent des pays plutôt francophones ne maitrisent pas la langue anglaise. Le laboratoire de langue va donner l’occasion [aux étudiants] soit de faire de l’autoapprentissage», note M. Gallien.
La même chose est vraie des anglophones qui veulent améliorer leurs connaissances du français, ajoute-t-il.
Le besoin est confirmé par le président de l’Association des étudiants francophones (AEF), Nawfal Sbaa. «On voit ça avec enthousiasme. Au début de l’année, on a remarqué un grand nombre d’étudiants qui fréquentaient le bureau de l’Association pour demander à propos des cours de français comme langue seconde. Souvent, c’était des étudiants internationaux qui venaient de pays où le français n’est pas une langue officielle ou deuxième langue du pays.»
Ces étudiants cherchaient les options disponibles pour apprendre le français. M. Sbaa voit le laboratoire de langue comme «la solution idéale» aux demandes de ces étudiants. Les alternatives existaient, mais n’étaient pas aussi pratiques. C’est aussi un élargissement des services en français pour les étudiants.
M. Gallien rappelle que, pour toutes sortes de raisons, des francophones se retrouvent dans les écoles d’immersion ou souffrent d’insécurité linguistique. L’encadrement fourni pour des professeurs ou des pairs à travers le laboratoire augmente les chances de ramener des étudiants vers la francophonie.
Le financement permettra entre autres d’embaucher des employés pour faire fonctionner le laboratoire et répondre aux demandes, annonce-t-il.
Roch Gallien souligne que le gouvernement fédéral est présentement très ouvert à financer des projets qui font la promotion du bilinguisme. «C’est dans notre mandat et il faut servir tous les étudiants qui sont francoparlants.»
Malgré les belles intentions, pour Denis Constantineau, l’Université fait fausse route, car ce n’est pas ce que la communauté demande. «Ils misent sur les étudiants issus de l’immersion. La question qu’on s’est posée autour de la table c’est combien d’étudiants de l’immersion vont en postsecondaire en français. On n’a pas les chiffres, mais on soupçonne que c’est peu.»
«Une université bilingue, ce n’est pas ce que l’on a de besoin. Ils se débattent comme un diable dans l’eau bénite pour maintenir leur mandat bilingue, sans vouloir reconnaitre qu’ils n’ont plus de légitimité», ajoute M. Constantineau. «On sait que l’apprentissage du français se fait de façon plus efficace dans un milieu francophone.»
Appel d’offres interne
Le même jour de l’annonce, la Laurentienne partageait un appel de proposition de projets d’été, invitant les professeurs, les étudiants et les employés à présenter des projets qui amélioreraient l’offre ou la promotion du français langue seconde et du bilinguisme.
Les projets choisis seront annoncés le 22 mai. Ils se dérouleront pendant l’été et une activité soulignant ces projets aura lieu en septembre.