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le Mardi 11 juillet 2023 13:42 Éducation

Université de Sudbury : Un «non» interprété comme la fin du premier chapitre seulement

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Sudbury — Malgré que le gouvernement ontarien ait choisi le vendredi après-midi avant la fête du Canada pour annoncer son refus de financer le projet de l’Université de Sudbury, la nouvelle n’est pas passée inaperçue. Dès la semaine suivante, les réactions se sont multipliées et des actions ont été lancées.
Université de Sudbury : Un «non» interprété comme la fin du premier chapitre seulement
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Le recteur de l’Université de Sudbury (UdeS), Serge Miville, a été le premier surpris par l’annonce faite le vendredi 30 juin en après-midi. Il a appris la nouvelle «un tout petit peu» avant que la lettre du sous-ministre adjoint, Denys Giguère, soit partagée aux médias. 

La vice-présidente de la FESFO et élève de l’École secondaire catholique Jeunesse-Nord de Blind River, Addison Bond. 

Photo : Courtoisie

M. Miville souligne que les discussions avec le ministère des Collèges et Universités au cours des six derniers mois — depuis qu’ils ont le plan d’affaires entre les mains — étaient positives. «On a eu des retours élogieux sur la rigueur, sur la profondeur, jamais on ne nous a parlé de ce qui est écrit dans le communiqué», révèle-t-il.

«C’est une décision que nous déplorons, mais qui ne nous surprend pas», déclare pour sa part le porte-parole de la Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française, Denis Constantineau. «Ce gouvernement n’est pas à l’écoute de la communauté. Il est difficile de croire qu’en 2023, les francophones de notre région n’ont pas droit à leur propre université, à une institution qui leur est vouée à part entière. La lutte n’est pas terminée.»

Le mardi suivant, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a demandé une rencontre d’urgence avec la ministre des Collèges et Universités, Jill Dunlopp. En entrevue avec Le Voyageur le 7 juillet, le président de l’AFO, Fabien Hébert, disait n’avoir reçu aucune réponse du bureau de la ministre. «On veut discuter des raisons. Certaines choses dans la lettre sont très vagues et nébuleuses», lance-t-il.

La Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) est l’un des partenaires largement consultés par l’UdeS. La vice-présidente, Addison Bond, indique que l’organisme souhaite que les discussions se poursuivent pour que l’Université puisse éventuellement ouvrir ses portes «pour avoir une programmation de langue française qui est équitable pour le Nord». 

Les représentants de la FESFO ont d’ailleurs eu la chance de discuter avec le recteur après l’annonce. 

De son côté, Serge Miville croit que la porte est encore ouverte, malgré la décision. À travers les conversations qu’il a pu avoir avant l’annonce, il sent que la poursuite du dialogue est possible. «Pour nous aujourd’hui, c’est très clair, le dossier n’est pas clos. Pour moi, ça clôt un chapitre et on en ouvre un autre et on ne lâche absolument pas.»

Raisons raisonnées?

Dans sa lettre, le ministère affirme refuser parce que la proposition «ne correspond pas à la demande actuelle et aux tendances relatives aux inscriptions, ni à la capacité actuelle des établissements postsecondaires existants à offrir une programmation en langue française dans le Grand Sudbury et aux quatre coins de l’Ontario».

«On n’a pas fourni de rétroaction là-dessus. On ne nous a pas communiqué ces inquiétudes-là, donc c’est pour ça que c’est très surprenant», dit M. Miville.

Plus tard, Radio-Canada a reçu une réponse du ministère qui précisait son raisonnement. «Les programmes de langues françaises de premiers cycles proposés par l’UdeS en sciences sociales et humanités sont très similaires à ceux offerts par l’Université de Hearst, l’Université de l’Ontario français et d’autres.»

Pourtant, les deux parties ont travaillé à partir des mêmes données, dit M. Miville. «On a taillé une offre qui est en fonction d’un marché qui est très distinct, qui est le marché de langue française, et qui répondait aux besoins de la main-d’œuvre, à la suite de nos consultations et aux données qui sont disponibles publiquement.» Il s’explique mal pourquoi leurs conclusions sont donc maintenant si différentes.

Le président de l’AFO, Fabien Hébert.

Photo : Courtoisie

«Se cacher derrière le fait que les programmes sont similaires, je n’accepte pas cette réponse», affirme Fabien Hébert. «Si c’était le cas, pourquoi ne pas faire part de cela à M. Miville justement pour qu’il adapte la programmation? De ce que je comprends, la programmation de l’Université de Sudbury a plus de programmes que l’UOF ou l’Université de Hearst.»

Il ajoute que, même si c’est le cas, la décision ne tient pas compte des distances à parcourir entre Sudbury et Hearst ou Toronto. «Les jeunes ne se déplaceront pas avec le cout de la vie maintenant.»

Elle ne tient pas compte non plus de l’impact des décisions de l’Université Laurentienne sur l’accès à l’éducation postsecondaire en français dans la région et la crise de confiance de la communauté francophone envers l’établissement bilingue, ajoute-t-il.

Comme le rappelle Addison Bond, élève à l’École secondaire catholique Jeunesse-Nord de Blind River, sans l’Université de Sudbury, les jeunes francophones qui n’ont plus accès à des programmes qui les intéressent dans la région doivent étudier en anglais ou quitter la région — et le risque qu’ils ne reviennent pas est bien réel.

«Je ne pense pas que c’est juste de priver les jeunes du Nord, qui viennent de régions éloignées, de les priver de cette occasion. Je ne sais pas encore ce que je veux faire, mais je sais que je n’ai plus cette option de poursuivre mon éducation à Sudbury avec cette institution-là.»

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Le Voyageur offre une vue d’ensemble de la francophonie et de la vie dans le Nord-Est de l’Ontario.

Financièrement viable

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario déplore également la décision. En conférence de presse le 6 juillet, la députée de Nickel Belt, France Gélinas affirme que la décision ne peut pas être justifiée par des raisons financières. «Le gouvernement avait une solution bon marché, faite par, pour et avec les francophones», dit-elle, soulignant que 82 % des résidents de sa circonscription appuient le projet de l’UdeS.

«Quelqu’un quelque part qui a beaucoup de pouvoir a dit non», avance la députée Gélinas. 

Est-ce que la décision serait une façon pour le gouvernement ontarien de négocier une plus grande participation financière du fédéral, qui semble appuyer le projet? «Si c’est une manigance, c’est horrible», lance la députée Gélinas. «Quand tu es assis sur 2.2 milliards $ de surplus et que tu n’es pas capable de trouver 10 millions $ pour changer la vie des francophones du Moyen-Nord, c’est vraiment pitoyable.»

«C’est bien possible», répond le président de l’AFO. Il voit une déconnexion entre cette décision et le désir du gouvernement fédéral, à travers la nouvelle Loi sur les langues officielles, de revivifier le français au Canada. Il croit qu’une négociation entre les deux parties donnerait de bons résultats; pas besoin de créer cette pression.

Le député de Mushkegowuk-Baie James, Guy Bourgouin, rappelle également qu’une étude estime que l’UdeS aura un impact économique de 90 millions $ lorsqu’elle sera pleinement en marche. Il croit que l’Ontario a besoin de l’UdeS pour que la province ne contribue pas à la baisse du poids démographique des francophones que l’on observe au Canada.

Pétition

Le Nouveau parti démocratique de l’Ontario a lancé une pétition en ligne pour demander à «l’Assemblée législative de l’Ontario de garantir le financement nécessaire de 10 millions $ par année tel que demandé par l’Université de Sudbury pour assurer l’avenir de l’Université de Sudbury, un établissement d’enseignement supérieur fait pour, par et avec les Franco-Ontariens, et ce, dès maintenant».

La pétition devrait être présentée à la Chambre le 25 septembre, jour des Franco-Ontariennes et des Franco-Ontariens. (https://fr.guybourgouin.com/appuyez_l_u_de_s)