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le Mardi 4 avril 2023 15:59 Environnement

Le lac Ontario, victime de son succès

Ashbridges Bay est la principale station d’épuration de Toronto.  — Photo : Wikimedia Commons
Ashbridges Bay est la principale station d’épuration de Toronto.
Photo : Wikimedia Commons
Série Grands Lacs
Le lac Ontario, victime de son succès
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Villes immenses, labyrinthes de routes, grosses industries, les régions autour du lac Ontario sont parmi les plus densément peuplées du pays. Elles déversent déchets, produits chimiques, microplastiques et médicaments qui viennent polluer le plus oriental des Grands Lacs. Scientifiques et militants appellent la population à se reconnecter au lac, pour prendre conscience de sa fragilité.

La nuit, vus de lespace, les rivages de louest du lac Ontario brillent comme un réseau de lucioles.

Paul Sibley est professeur à l’École des sciences de l’environnement de l’Université de Guelph, en Ontario.

Photo : Courtoisie

Le quart de la population canadienne se concentre dans la région métropolitaine, qui s’étire dOshawa à Niagara Falls en passant par le Grand Toronto. La zone, appelée le Golden Horseshoe, constitue la plus grande aire urbaine du pays et connait la croissance démographique la plus importante dAmérique du Nord.

«Cette urbanisation galopante comporte de nombreux risques pour la santé du lac», estime la professeur à l’École des sciences de lenvironnement de lUniversité de Guelph, Paul Sibley. Le scientifique voit limperméabilisation des sols comme la première des menaces. 

Les espaces naturels sont artificialisés pour construire des routes, des stationnements, des logements ou encore des zones commerciales. Résultat, les eaux de pluie et celles issues de la fonte des neiges ne sinfiltrent plus correctement dans le sol.

 

«La totalité de l’eau ruissèle à la surface, en charriant de nombreux produits chimiques toxiques jusque dans le lac», alerte la professeure de biologie à l’Université Ontario Tech, Andrea Kirkwood.

Andrea Kirkwood est professeure de biologie à l’Université Ontario Tech, en Ontario.

Photo : Courtoisie 

Bétonisation à outrance

La biologiste cite le sel de déneigement utilisé sur les routes, mais aussi des particules comme le cuivre, le zinc ou le chrome produites par lusure des freins et des pneus des voitures : «Même si on arrêtait aujourdhui d’épandre du sel ou dutiliser nos voitures, il faudrait des décennies pour que ces contaminants accumulés dans le lac disparaissent.»

L’étalement urbain nest pourtant pas prêt de sarrêter. En novembre 2022, le gouvernement progressiste-conservateur de l’Ontario a adopté une nouvelle législation qui permettra de construire 1,5 million de logements en dix ans, en libérant des terrains jugés auparavant protégés. 

«Des zones humides lacustres, autour de Toronto notamment, vont être détruites. Elles vont être drainées et céder la place à du béton», dénonce Andrea Kirkwood.

La biologiste rappelle que ces zones humides filtrent une partie de la pollution et jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les inondations et latténuation du changement climatique. Elles captent en effet de grandes quantités de carbone, régulant ainsi les émissions de gaz à effet de serre.

Leau que relâchent les stations d’épuration à proximité du lac nest pas non plus pure comme celle dune source de montagne. Même après traitement, les millions de mètres cubes rejetés chaque année contiennent encore des molécules nocives pour les milieux aquatiques, comme des résidus de médicaments, dangereux pour la faune.

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La zone du «Golden Horseshoe», au bord du lac Ontario, constitue la plus grande aire urbaine du pays et connait la croissance démographique la plus importante d’Amérique du Nord. 

Photo : Domaine Public, NASA

Gail Krantzberg est professeure d’ingénierie et de politique publique à l’Université McMaster, en Ontario. 

Photo : Courtoisie 

Systèmes d’égouts vulnérables

Pour tenter de limiter au maximum les quantités de polluants déversées dans la nature, «les stations d’épuration, notamment les plus anciennes, sont constamment modernisées», assure la professeure dingénierie et de politique publique à lUniversité McMaster, Gail Krantzberg. 

Mais face à laugmentation constante de la population, les stations d’épuration existantes ne seront pas suffisantes : «Ça va couter des millions de dollars pour réussir à mettre au point des procédés de traitement supplémentaires.»

La question des eaux usées préoccupe dautant plus la communauté scientifique que les systèmes d’égouts sont vulnérables aux inondations et aux tempêtes, dont l’intensité et la fréquence augmentent à cause du réchauffement climatique. 

Gail Krantzberg explique que dans de nombreuses villes autour du lac Ontario, les eaux usées se mélangent avec leau de pluie dans une seule canalisation, avant d’être traitées puis rejetées dans lenvironnement. 

Conséquence, en cas de forte pluie, les égouts débordent et des millions de litres deau non traitée vont directement dans les cours deau et le lac. 

«Ces débordements risquent darriver de plus en plus souvent et peuvent mettre en danger la population. Des refoulements deaux usées peuvent causer des dommages aux habitations et des bactéries peuvent contaminer leau potable», souligne Gail Krantzberg. 

La pollution plastique inquiète également de plus en plus les scientifiques et les écologistes. On estime que 10 000 tonnes de déchets plastiques pénètrent dans les Grands Lacs chaque année.

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Melissa De Young est directrice des politiques et des programmes au sein de l’organisation environnementale Pollution Probe. 

Photo : Courtoisie

Mer de plastique 

«Le lac Ontario est le plus touché à cause de sa proximité avec de grands centres urbains. On y trouve principalement des microplastiques, dune taille inférieure à 5 millimètres», précise ;a directrice des politiques et des programmes à l’organisation environnementale Pollution Probe, Melissa De Young.

«Comme les microplastiques mettent très longtemps à se décomposer, leur concentration ne cesse d’augmenter. Les effets sont potentiellement désastreux. Il y a une limite à la pollution que l’écosystème peut absorber», ajoute la directrice générale de l’association écologiste A Greener Future, Rochelle Byrne. 

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Alors que le lac Ontario est une source deau potable pour plus de 9 millions de personnes des deux côtés de la frontière, tous les acteurs interrogés insistent sur lurgence de rétablir le lien entre les habitants et le lac. 

Gregary Ford est directeur des programmes relatifs à l’eau de l’organisation environnementale Swim, Drink, Fish. 

Photo : Courtoisie

«Dans le passé, on a concentré une grande partie des terrains industriels en bordure de lac, ce qui a physiquement déconnecté les communautés du bord de leau. Loin des yeux, loin du cœur», philosophe Gregary Ford, directeur des programmes relatifs à leau de lorganisation environnementale Swim, Drink, Fish

«Les gens ne savent pas doù vient leau du robinet et où part ce quils versent dans leurs éviers et leurs douches. Il faut attendre une crise pour quils commencent à sy intéresser», concède Paul Sibley.

Rochelle Byrne abonde dans le même sens : «Une grande partie de la pollution reste sous leau, loin des regards».

Elle se veut cependant optimiste. «Une lente prise de conscience émerge», avance la militante. 

Lassociation Swim, Drink, Fish y travaille en créant de nouveaux lieux de baignade, ou en mettant sur pied des centres communautaires de surveillance de la qualité de leau. 

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