le Lundi 16 septembre 2024
le Jeudi 5 septembre 2024 9:00 Environnement

Un projet pour adapter nos forêts au climat futur

  Photos: Courtoisie
Photos: Courtoisie
Adapter les forêts canadiennes aux changements climatiques, tel est l’objectif d’un vaste projet initié par le Service canadien des forêts du ministère fédéral des Ressources naturelles qui se déroule depuis 2019 au sein de la Forêt expérimentale de Petawawa, en Ontario.
Un projet pour adapter nos forêts au climat futur
00:00 00:00

Nelson Thiffault

Situé dans un espace de quelque 200 hectares (495 acres), le projet vise, selon l’un de ses co-responsables, M. Nelson Thiffault, Ph.D. en ingénierie forestière, «à développer des traitements qui permettront d’adapter les forêts de la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent au climat futur qui nous attend en raison des changements climatiques. Il fait partie d’un réseau de recherches beaucoup plus large qui partage le même cadre théorique, lequel repose sur trois stratégies distinctes pour adapter nos forêts aux changements climatiques qui s’annoncent».

La première stratégie, celle de la résistance, cherche à développer des traitements qui vont permettre de maintenir la composition forestière faite principalement de pins blancs, de pins rouges et de chênes rouges malgré la pression des changements climatiques. Ces derniers vont apporter des changements au niveau des précipitations annuelles et de la température. Non seulement y aura-t-il plus de sécheresse mais la neige en hiver sera plus lourde et les températures seront plus élevées.

Régénération naturelle 

Pour tester cette stratégie, les chercheurs procéderont d’abord à une coupe progressive régulière qui consiste à enlever environ la moitié des arbres dans un espace donné afin de favoriser une régénération naturelle. «De plus, a précisé M. Thiffault au Voyageur, on plantera des pins blancs, des pins rouges et des chênes rouges provenant de sources de semence plus au Sud, dans des régions qui représentent des analogues climatiques qu’on attend dans les décennies à venir ».

Deuxièmement, la stratégie de résilience consiste à créer des trouées d’une dizaine de mètres de diamètre dans des peuplements forestiers capables d’absorber la pression des changements climatiques et de revenir à un état mieux adapté aux futures conditions. «On y plantera non seulement des pins blancs, des pins rouges et des chênes rouges mais également des chênes blancs, soit une espèce que l’on ne retrouve pas dans la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent, poursuit M. Thiffault. On pense que ce chêne blanc sera bien adapté aux futures conditions climatiques».

Enfin, la dernière stratégie est celle de la transition en vertu de laquelle «volontairement et consciemment on modifie l’écosystème que l’on pense bien adapté aux futures conditions, ajoute l’ingénieur forestier. On procède à une coupe presque totale et on y ensemence des pins blancs, des pins rouges et des chênes blancs mais aussi des pins rigides, qui proviennent tous de différentes zones. Les pins rigides ne se trouvent aucunement dans nos régions; ils proviennent des États-Unis et sont bien adaptés aux conditions de sécheresse pouvant donc bien tolérer le futur climat qu’il y aura ici».

Les meilleures approches à explorer

L’équipe de recherche, composée cet été d’une douzaine de personnes, a procédé à deux autres stratégies, soit celles des témoins naturels et opérationnels. Dans la première, il s’agit de secteurs dans lesquels aucune intervention n’a eu lieu. La stratégie des témoins opérationnels consiste à intervenir dans des secteurs où 50 % des arbres ont été coupés par des compagnies forestières. «On y laisse les arbres procurer des graines afin de régénérer le site et on reboise avec des sources locales de pins blancs», conclut M. Thiffault.

Il se trouve d’autres équipes de recherche aux États-Unis et dans l’Ouest du Canada qui utilisent les mêmes stratégies selon les mêmes concepts théoriques, avec des traitements adaptés aux conditions locales. La comparaison des résultats obtenus dans les divers sites permettra de déterminer quelles sont les meilleures approches à explorer pour adapter les forêts canadiennes aux changements climatiques. Bien que les chercheurs aient commencé à mesurer les arbres plantés à l’automne 2023, M. Thiffault cautionne qu’il est encore trop tôt pour obtenir des résultats valables. «Nous sommes en train de mesurer les plantations mais nous ne sommes pas capables de tirer des conclusions formelles avant d’avoir mesuré l’ensemble des semences, dit-il. Il faut d’abord trouver les arbres que nous avons plantés et faire certain que nous mesurons les bons arbres. L’an prochain nous serons en mesure de tirer des premières conclusions».

La forêt expérimentale de Petawawa a servi à de nombreuses recherches, dont la génétique et les feux de forêt entre autres, depuis que le gouvernement canadien se l’est procuré en 1918. Elle s’étend sur un territoire de 10 000 hectares (24 710 acres) et est accessible au public à des heures spécifiques.