Aucun des chefs des trois principaux partis politiques de l’Ontario ne parle français. Un promet de l’apprendre depuis qu’il est élu, l’autre juge ne pas avoir besoin de l’apprendre pour bien représenter les Franco-Ontariens, et la dernière affirme ne pas avoir trouvé de programme à la hauteur.
Doug Ford promet depuis qu’il est élu qu’il apprendra le français, mais les seules phrases qu’on a pu l’entendre prononcer dans la langue de Molière sont «Bonjour mes amis» et «Restez à la maison».
En 2019, il avait réitéré cette promesse, en affirmant qu’il serait «pretty easy» («plutôt facile» pour lui d’apprendre le français.
«Quand il a annoncé qu’il allait apprendre le français et que ce serait facile, ça démontrait dès le départ une incompréhension de la tâche qui était devant lui. Apprendre une langue seconde, quiconque est passé par là sait que ça se fait avec un effort soutenu. Disons que les attentes n’étaient pas très élevées d’avance», souligne la professeure adjointe au département de science politique du Collège militaire royal du Canada, à Kingston, Stéphanie Chouinard.
Cette semaine, Doug Ford, qui juge que toute personne élue devrait apprendre le français, a fait savoir qu’il a dû mettre sur pause ses apprentissages durant la pandémie, pour des raisons de sécurité.
«La pandémie m’a fait arrêter. Je vais y arriver, mais je voulais juste être prudent», a lancé le premier ministre aux médias, lundi.
«Cette excuse ne tient pas vraiment la route, juge la politologue, compte tenu du fait qu’on sait qu’il y a des cours de langue en ligne.»
Stéphanie Chouinard note d’ailleurs que «M. Ford devrait le savoir, puisque le gouvernement de l’Ontario a demandé aux élèves de l’Ontario de suivre des cours en ligne» durant une grande partie de la crise sanitaire.
Elle rappelle que lors des premiers mois du gouvernement Ford, la communauté franco-ontarienne a été «profondément blessée» par ses actions.
«On est à moins d’un an des prochaines élections et, malgré certaines avancées, il demeure que les gros dossiers, pour le moment, stagnent.»
Le Commissariat aux services en français n’a toujours pas retrouvé son indépendance, rappelle-t-elle, et malgré les promesses de la ministre des Affaires francophones Caroline Mulroney, la Loi sur les Services en français n’a toujours pas été modernisée.
Même s’il ne suit plus de cours de français, Doug Ford soutient qu’il pratique la langue «tout le temps» avec la ministre Mulroney.
«Elle est une bonne enseignante de français et me donne toujours les phrases, alors j’y arriverai.»
«Pas besoin»
Steven Del Duca juge quant à lui qu’il n’a pas besoin d’apprendre le français pour être un bon leadeur pour la communauté francophone.
Pourtant, il avait lui aussi promis de le faire lors de son élection comme chef du Parti libéral de l’Ontario (PLO), en mars 2020.
«C’est un très mauvais départ pour M. Del Duca de revenir aussi rapidement sur une promesse qu’il avait faite, remarque Mme Chouinard. Le Parti libéral se targue d’ être le champion de la communauté francophone et de voir un nouveau chef fraichement choisi, de revenir sur sa parole comme ça de façon un peu nonchalante, ça pourrait endommager l’image de marque du PLO auprès des électeurs francophones.»
La politologue souligne que le chef du PLO ne devrait pas utiliser la présence de voix connues de la francophonie, telles que celles d’Amanda Simard et de Lucille Collard, notamment, comme une béquille.
Cette béquille, elle existe aussi au sein du NPD de l’Ontario, avec une présence importante d’élus francophones au Nord de la province, tels que France Gélinas et Guy Bourgouin, entre autres.
La cheffe de parti Andrea Horwath est élue à l’Assemblée législative de l’Ontario depuis 2004 et est à la tête du NPD depuis 2009. Elle affirme ne pas encore avoir été en mesure de trouver un programme d’apprentissage du français qui lui convient.
«On est plus que passé le temps des excuses pour Mme Horwath. Si elle avait voulu, elle aurait été en mesure de le faire à ce point-ci», déplore Stéphanie Chouinard.
En 2018, lorsque son parti est devenu l’opposition officielle à Queen’s Park, Andrea Horwath avait affirmé ne pas pouvoir promettre d’apprendre le français si elle devenait première ministre.
Un recul
Le chef du Parti vert, Mike Schreiner, est le seul à la tête d’un parti de l’Ontario qui suit des cours de français actuellement.
L’experte du domaine des sciences politiques en conclut que le prochain premier ministre de l’Ontario ne parlera donc pas français.
«Ça démontre un recul de la place du fait français, à tout le moins symboliquement sur la scène politique ontarienne. Au cours des dernières années, il y a des chefs qui ont fait des efforts. L’ancienne première ministre Kathleen Wynne s’est améliorée durant son temps à la tête de la province. Elle envoyait des signaux comme quoi il y avait une importance symbolique de la place du fait français.»