«Les gens, avait dit Lotta, viennent dans cette ville pour se cacher. En périphérie de nulle part, coincée dans un cratère de météorite au milieu de vingt millions de kilomètres carrés d’épinettes gouvernés par les mouches, Sudbury attirait puis broyait les âmes.»
C’est ce qu’écrivait Chloé La Duchesse dans L’incendiaire de Sudbury, publié chez Héliotrope en 2022.
Mais lorsque jointe à son nouveau bureau qu’elle occupait depuis seulement trois jours, c’est sous son vrai nom de Chloé Leduc-Bélanger qu’elle a bien voulu discuter avec Le Voyageur. Et contrairement à la description de la ville minière qui en est faite dans le premier roman de cette poète, qui a aussi publié chez Mémoire d’encrier Furies et Exosquelette, elle l’avoue d’emblée : «C’est sûr que la communauté de Sudbury m’a séduite. Je vais m’ennuyer du monde.»
Sous son aile d’éditrice, qui consistait à l’évaluation des manuscrits, à la commande et à la production des ouvrages, quelque 70 livres ont ainsi été publiés chez Prise de Parole depuis son entrée en poste en 2019.
Poète officielle
C’est Sudbury qui sera complice de son inspiration pour écrire Exosquelette, qui sera couronné par le prix de poésie Trillium en 2022 et finaliste aux Prix du Gouverneur général dans la catégorie Poésie. Quant à Furies, il aura été finaliste au prix de poésie Trillium en 2018.
La même année, la femme de lettres québécoise est nommée poète officielle de la ville du Grand Sudbury. Elle succédera à Kim Fahner, qui avait été la première femme à occuper ce poste. «J’ai trouvé ça le fun, car je venais de sortir mon premier livre de poésie.»
Cette fonction lui aura permis de porter la poésie dans le quotidien des gens comme ce fut le cas en visitant des écoles. À la question, si être poète officielle voulait dire se conformer à un certain moule, Chloé Leduc-Bélanger – tout comme son alter ego La Duchesse ! – est catégorique : «Je représentais les citoyens et non l’administration.»
Et maintenant
Maintenant à la tête d’une maison d’édition qui existe depuis près de 45 ans, L’Interligne permettra-t-elle à sa nouvelle directrice générale de marauder du côté de Sudbury et de publier des femmes et des hommes d’ici ? «Vous savez, le livre est un produit d’exportation.» Sous-entendu qu’elle va continuer d’être à l’écoute de ce qui se fait dans le Nord de l’Ontario.
Si le passage de Chloé Leduc-Bélanger à Sudbury lui a permis d’être solidaire avec ce qui s’est passé à l’Université Laurentienne et de constater par le fait même que la relève est un peu plus difficile, elle a aussi eu le plaisir de constater que les nouveaux arrivants apportent une revitalisation à la ville.
Un nouveau poste qui fait en sorte qu’elle apporte à la semelle de ses souliers un peu de la nature de Sudbury, qui l’aidera à construire un nouveau chez soi où résonneront sans doute ces quelques vers d’Exosquelette « Mes os sont toujours creux, il n’y a rien à faire. Ce qui reste de moi, ce sont ces mots autour desquels je fabrique une maison. »