Un retour à Sudbury pour les cocréatrices et interprètes de la pièce : Édith Beauséjour et Karine Gaulin, qui avaient fait participer de jeunes enfants d’ici à leur recherche durant leur processus créatif qui s’est étalé d’un océan à l’autre de 2017 à 2019. Ainsi, cette rencontre du public sudburois ferme une boucle. D’abord pour huit représentations scolaires à pleine capacité, puis celle très appréciée de samedi.
Un personnage féminin aux vêtements ocres joue de la harpe aux abords d’une mer de papiers de soie bleutée. Les notes agitent les flots bruissant desquels apparait une créature bleue. Entre les deux se tisse une amitié au-delà des mots. Ensemble on joue! Puis la tempête surprend… et amène l’amie sous l’eau. La recherche et le sauvetage ont lieu dans le calme revenu et leur amitié renouvelée. Lorsqu’une toile peinte par les deux amies devient un paysage miniature sur lequel se termine le spectacle, on devine que leur relation se poursuivra.
Dès les premiers regards lancés au public, une connivence s’est créée. Les artistes-interprètes savent habilement titiller les émotions des petits toujours attentifs. On passe par la curiosité, le dégout amusant, la joie des batailles mouillées et à la crainte d’une nuit de naufrage.
C’est une poésie maritime déployée sur scène, venue des arts visuels, de la danse, de la musique et du chant. C’est un univers sonore riche avec la musicalité des voix, d’une harpe, d’un tuyau sifflant le vent, d’un accordéon et d’une conque de coquillage.
C’est une fête de bleu qui s’agite, gronde et éclabousse sur des voilures joyeusement peintes en direct.
Ce sont des mots comme un dialogue inhabituel, évoquant les intentions et les émotions des personnages. Ici, le sens premier des mots n’est pas important. Cependant, la projection de la voix est parfois insuffisante pour distinguer les paroles. Durant ces quelques moments, l’essoufflement du jeu physique ou la manipulation du décor auront a peut-être réduit la clarté. Malgré cela, le récit est facile à suivre par la justesse de l’interprétation.
C’est une mise en scène qui suscite des réactions viscérales des jeunes spectateurs perchés sur leurs sièges. Au point que certains chantent, s’exclament et applaudissent spontanément.
Les enfants rencontrés rappellent ces moments avec enthousiasme : le poisson puant, l’ouverture de la trappe dans la cale, les combats de jets d’eau et de rouleaux à peinture… et la tempête! — « Qui ne fait même pas peur!», assure une fillette. Les effets d’éclairage et la transformation des vagues en direct sur la toile/voilure du bateau ont impressionné.
La sensorialité est le langage par excellence du jeune public. L’écho de l’écume l’utilise brillamment. Au sortir de la salle, les enfants accordent 10/10 à la cocréation des Chemins Errants et d’Emmanuelle Calvé en coproduction avec le Théâtre Motus.