L’artiste d’origine ivoirienne Djolei Justine Gogoua, aujourd’hui établie à North Bay, a fait une entrée énergique dans le salon Canisius où un public d’une cinquantaine de personnes l’attendait avec impatience. 

«J’étais un peu nerveuse, du fait que le public m’attendait et que je voulais être à la hauteur. Cela faisait 10 ans aussi que je n’avais pas travaillé avec le Contact interculturel francophone de Sudbury», confie-t-elle. 

Justine, comme l’appelle le public, parcourait la salle à pas vifs et rythmés aux sons des tambours. À croire qu’elle cherchait un angle d’attaque pour entamer son spectacle. 

Le petit David, trois ans, lui a donné cette chance. Cela faisait déjà un moment qu’il traversait la piste de danse de long en large, seul, l’air peu impressionné par l’artiste. Bientôt d’autres petites filles l’ont rejoint. Et c’est carrément un bal de bambins qui se déroule sous les pieds de Djolei Justine Gogoua. C’est alors qu’elle entonne un chant profond, qui semble sorti des tripes de l’Afrique, nommé Zawila, une expression imagée de la langue Bété, un dialecte parlé dans la Côte d’Ivoire de l’Ouest.

«Zawila, ce sont les larmes qui coulent pour la souffrance des enfants. Lorsqu’un enfant souffre, nous souffrons tous. C’est le monde entier qui souffre», dit-elle en référence aux conflits et aux guerres qui se déroulent aujourd’hui dans le monde. 

Mamans et papas ont aussi eu leur tour à danser avec l’artiste. «J’ai aimé l’énergie qui habitait la salle, surtout avec la présence des enfants. J’ai rencontré un public en santé et généreux. Il m’a donné plus que je lui ai donné. Cela m’a fait chaud au cœur», souligne-t-elle. 

Le ventre plein

Personne n’était en mesure de faire la fine bouche devant la variété généreuse des saveurs ouest-africaines, servie à l’occasion. Le long d’un buffet, les participants pouvaient choisir du riz contonné à la sauce Yassa et du Tchêp Guen, communément appelé le thiéboudienne, une sauce épicée à base de légumes et d’une pâte de tomate servie sur du riz. 

Un couscous ivoirien, appelé l’Attiéké, à base de racines de manioc au lieu de la semoule commune dans d’autres pays, avec une sauce onctueuse et pleine de légumes, était également au menu. 

Les convives pouvaient aussi savourer des Bofloto, beignets ivoiriens, et un jus tropical appelé Bissap, fait à base d’Oseille de Guinée (Hibiscus sabdariffa), et particulièrement apprécié par les enfants dans l’Afrique de l’Ouest.  

Mireille Sophie Adou fait partie des cinq femmes qui avaient cuisiné pendant deux jours. «Nous avons pris beaucoup de plaisir à le faire, comme les occasions de se rencontrer entre mamans sont de plus en plus rares, tellement nous sommes prises par nos occupations quotidiennes», lance-t-elle. 

L’enseignante à la retraite Suzanne Rondeau a pris part à la soirée et a eu un coup de cœur pour le menu. «La cuisine était absolument délicieuse. Il faut dire aussi que je suis fan de la gastronomie ouest-africaine. J’ai déjà fait du bénévolat dans le restaurant de madame Kossa (Kossa’s Africain Cuisine, maintenant fermé), lorsqu’elle a démarré son entreprise il y a 10 ans. Je l’ai fait pendant un an. C’est ainsi que j’avais développé un gout pour la cuisine ivoirienne», témoigne-t-elle. 

Voyage culturel

L’agente de développement socio-économique au Réseau du Nord pour le soutien à l’immigration francophone, Inès Bouguerra, a elle été enchantée par la soirée. «C’était  magique! Personnellement, je suis d’origine tunisienne et viens, grâce à cette soirée, de découvrir la chanson ivoirienne, les mets ivoiriens, mais aussi l’hymne de la Côte d’Ivoire. Honnêtement, je n’ai jamais imaginé découvrir un pays de mon continent dans un autre continent. Ce fut un beau voyage culturel.»

C’était effectivement un voyage culturel, puisque Djolei Justine Gogoua a dans sa troupe un couple d’artistes originaires de l’Équateur, Samantha Izqùerdo et Sébastian Gabela, des musiciens rock-blues qui se sont convertis aux percussions africaines le temps du spectacle. Le couple est lui aussi établi à North Bay. 

«C’est la première fois que j’assiste à une soirée ivoirienne et je suis impressionnée par l’interaction du public. C’est vivant et chaleureux», souligne Samantha Izquérdo. 

Selon le coordonnateur du CIFS, Gouled Hassan, en plus de la communauté ivoirienne, la soirée a pu compter sur la participation d’immigrants issus de l’Éthiopie, de Djibouti, d’Haïti, du Congo, du Burkina Faso en plus des Franco-Ontariens.  

Le président du CIFS, Moustapha Soumahoro, reste convaincu qu’une intégration réussie des nouveaux arrivants passe par le partage et l’échange culturel. «Les immigrants doivent apprendre sur leur terre d’accueil, mais leur culture doit aussi s’inscrire dans le patrimoine ontarien. C’est ainsi que nous bâtissons l’Ontario de demain», soutient-il. 

Pour clôturer la soirée, Djolei Justine Gogoua a transporté le public en Afrique de l’Est et en Afrique du Sud, avec la chanson Malaïka, qui signifie «ange» en swahili, et qui a été rendue célèbre par la vedette sud-africaine, Miriam Makeba, dite Mama Africa.